jeudi 16 août 2007

Baumes

Ça sent la rentrée! L'air est plus craquant, les allées des magasins de fournitures scolaires commencent à être encombrées, je commence à crouler sous le travail (je sais, je ne peux pas me plaindre, j'aime ce que je fais... enfin, la plupart du temps!). Pas facile de se remettre en mode turbo quand on a passé un mois en mode rêverie/lecture/piano/découvertes/conversations amicales. Heureusement, avant d'amorcer cette semaine de dur retour à la réalité, j'avais eu le temps de faire des provisions pour l'âme...
J'ai ainsi complété coup sur coup pendant le week-end la lecture de Une gourmandise de Muriel Barbery, un cadeau rapporté de Paris par mon amie copianiste. Ayant beaucoup aimé L'élégance du hérisson, j'étais ravie d'apprendre que la dame avait commis un autre ouvrage. En fait, Une gourmandise, écrit en 2000, Prix du Meilleur livre de littérature gourmande la même année, met en vedette certains des personnages de l'immeuble de la rue de Grenelle auxquels je m'étais attachée. En effet, l'histoire se passe 24 heures à peine avant le début de l'action de l'autre livre. On assiste aux derniers instants du vitriolique critique gastronomique de l'immeuble. À la recherche de « la » saveur qui le ramènerait en dernier lieu au ténu monde de l'enfance, il se souvient de repas fastueux, de concoctions de sa grand-mère, d'instants de vie à croquer. Si on s'attache moins aux personnages ici, tout amateur de bonne chère sera ravi par les descriptions somptueuses de mets.
« Une tarte aux pommes, pâte fine, brisée, craquante, fruits dorés, insolents sous le caramel des cristaux de sucre. »
ou encore
« le pain est microcosme. En lui s'incorpore une assourdissante diversité, comme un univers en miniature, qui dévoile ses ramifications tout au long de la dégustation. L'attaque, qui se heurte d'emblée aux murailles de la croûte, s'ébahit, sitôt ce barrage surmonté, du consentement qui lui donne la mie fraîche. Il y a un tel fossé entre l'écorce craquelée, parfois dure comme de la pierre, parfois juste parure qui cède très vite à l'offensive, et la tendresse de la substance interne qui se love dans les joues avec une docilité câline, que c'en est presque déconcertant. Les fissures de l'enveloppe sont autant d'infiltrations champêtres: on dirait un labour, on se prend à songer au paysan, dans l'air du soir; au clocher du village, sept heures viennent de sonner; il essuie son front au revers de sa veste; fin du labeur. »
Avouez que vous n'aviez jamais goûté votre tranche de pain préféré de la sorte.

Délice, d'un autre ordre celui-là, Garage Molinari de Jean-François Beauchemin. Après avoir lu les louanges de Venise, je n'ai pas résisté longtemps en librairie (surtout que le format poche de Québec Amérique est fort abordable). Personnages absolument fascinants, histoire toute en simplicité mais d'une poésie émouvante, fable sur les beautés du quotidien qui nous échappent trop souvent, plaidoyer pour les sentiments assumés, ce livre est un réel bijou (c'est tout de même incroyable qu'il ait fait si peu de bruit lors de sa parution en 1999). Moi qui utilise des petits papiers pour marquer les pages qui contiennent des phrases que je veux relire, méditer, jalouser, j'ai été fort occupée à déchiqueter et à insérer, à prendre le temps de savourer les phrases, avec volupté, avec tendresse. Je vous livre deux passages ici.
« Parfois des moineaux très rapides passaient devant la fenêtre en sifflotant une chanson à la mode. À cause de la vitesse on ne retenait pas grand chose de la chanson, l'intelligence n'avait pas le temps de fonctionner, comme toujours avec la mode. En plus du soleil qui chauffait les choses et les gens, à présent le vent soufflait tranquillement sur les arbres, et à force d'insister sur les feuilles à la longue ça faisait une raie dans les branches comme sur la tête de monsieur Molinari. »
ou encore
« À gauche du parvis un arbre très haut agitait ses feuilles en forme de mains, et même si ce n'était que le vent j'ai dit dans l'oreille de Joëlle regarde, tu es si belle qu'il applaudit. Elle a rougi un peu et dans les branches en plus des applaudissements un oiseau s'est mis à siffloter une chanson sentimentale. »

Ouais, c'est pas tout, ça... la fin de la récréation vient de sonner: j'ai des notes de programme à écrire, des textes à remanier... j'arrête ici, avant de me décourager moi-même!

1 commentaire:

Venise a dit…

Hello ! Je suis à la veille d'un départ de vacances (Gaspésie pour 9 jours) et aujourd'hui, on va reconduire fiston chez lui à St-Prosper (pres Ste-Anne-de la Pérade) mais vite, vite, je t'envoie mon contentement ; tu as aimé Garage Molinari ! On se sent toujours un peu responsable quand on s'enthousiasme au point que l'autre se procure le livre (c'est vrai, il est très abordable).
Ton choix de phrases est très représentatif ; judicieux ! Bravo, car il y en avait tellement, c'était difficile.
Tourlou !