mardi 21 octobre 2008

Thomas Wharton: Logogryphe


J'avais adoré Un jardin de papier, premier ouvrage de Thomas Wharton traduit au Québec (livre qui m'avait alors permis de découvrir la maison d'édition Alto), à la fois conte philosophique, épopée romantique, traité sur l'imprimerie et la typographie. Un de mes amis graphistes, fana de typo, me l'avait presque mis dans les mains de force mais je n'ai pas regretté un seul instant son insistance. J'avais donc très hâte de lire Logogryphe et hésitais à me le procurer (ma PAL ne diminuant pas, au contraire) quand il est apparu, comme ça. Comment résister?

Soyez prévenus ici, Logogryphe est un OLNI, un objet littéraire non identifié, assez hétéroclite, « une bibliographie de livres imaginaires » comme le nomme lui-même l'auteur. Roman? Fragments d'un poème en prose? Portrait amoureux des livres et du lien que nous entretenons avec eux? Méditation sur l'écriture? Tentative de capter une série d'histoires au vol? Cette ode aux mots ne peut être lue, entendue, ressentie, que si on lâche prise, qu'on laisse notre imagination s'envoler derrière un personnage, plonger dans le sens des mots, dans l'essence de la narration.

La linéarité n'est certes pas un terme qu'on pourrait apposer à ce parcours, Wharton nous invitant à le suivre, les pores grands ouverts, le long d'un fil d'Ariane saisissant. On se prend à rêver aux détours des pages, non pas par ennui mais parce que ses mots finement choisis nous y poussent. On ressent la littérature, toutes les littératures, comme une somme complexe d'histoires d'amour, un immense cri d'amour qui nous est jeté au visage, parfois cinglant, le plus souvent caressant. Un univers déstabilisant mais délicieux.

Quelques citations choisies qui sauront vous inspirer...

« L'inventeur du papier se nommait Cài Lun. Il était eunuque et conseiller à la cour impériale. Les générations en ont fait le dieu protecteur des papetiers. Comme celle d'autres mortels divinisés, sa légende possède deux faces unies par une mort déchirante. » (p. 23)

« La lectrice idéale de ce roman lit comme tombe la neige: libre de tout dessein personnel, elle prend silencieusement la forme de l'objet sur lequel elle se pose.
Le lecteur imitera la fourmi qui parcourt le labyrinthe d'une ruche déserte à la recherche d'une goutte de miel. Quand il aura terminé sa lecture, le lecteur dira quelques prières afin d'éloigner les spectres rassemblés dans la pièce comme la brume un soir d'hiver. » (p. 28)

« L'île, c'est le livre, et en le lisant, c'est vous qui en devenez l'habitant solitaire. Vous commencez par récupérer tout ce que vous pouvez, plongeant en vue des côtes jusqu'à l'épave en perdition de vos attentes, échouée sur les récifs en marge des premières pages et que menacent à tout moment d'emporter les vagues battantes des mots. Blotti contre le livre dans votre nuit solitaire, vous vous consolez en vous répétant que c'est vous qui avez choisi d'y poser l'œil et le pied, tout comme le véritable marin qui inspira Robinson Crusoé avait demandé à être abandonné sur un rivage désert. » (p. 31)

Un extrait peut être lu ici...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ca semble complètement bizarre, tout ça... mais d'un autre côté, ça parle de livres! Difficile de résister dans ce temps-là!

Jules a dit…

La citation de la page 31 est très puissante! J'irai probablement au lancement d'automne d'Alto... je suis maintenant certaine que je ne ressortirai pas les mains vides!

Lucie a dit…

Karine: oui, c'est un peu dans le champ gauche mais, si on est dans l'état d'esprit idéal, c'est magique.

Jules: :-)si tu n'as pas lu Un jardin de papier, je te le recommande sans hésitation.

Unknown a dit…

Ça a l'air beau... il me semble qu'avec une soupe lipton au poulet et nouilles, un petit rhume et une pluie de novembre, ça serait l'idéal!!!