lundi 15 juin 2009

Je jette mes ongles par la fenêtre

Quand on pratique le genre de la nouvelle, on réalise combien il est difficile de garder le lecteur entièrement attentif, de ne pas le perdre dans les petits détails, de maintenir le souffle, surtout du début à la fin d’un recueil, objet le plus souvent hétéroclite. D’entrée de jeu, Focus frappe fort. L’auteure réussit en quelques paragraphes à nous plonger dans un univers autre, à nous prendre par la main, à nous faire vivre les bouillonnements émotifs de Rémi, le narrateur. On y croit, on en redemande, la séduction opère. La deuxième nouvelle, Détails, laisse déjà perplexe. On admire l’œil habile de Natalie Jean qui sait saisir en quelques mots la puissance d’une image. La ville de Québec, ici comme dans le reste du recueil, est d’ailleurs particulièrement bien servie par sa plume. Après tout, « La ville est pleine d’odeurs, de couleurs, de gens, ma ville est pleine d’histoires. » (p. 27) Rapidement, pourtant, on se perd dans des circonvolutions, même si on sent le cœur qui bat derrière cette jeune femme qui revient d’Afrique.

À travers les histoires, l’auteure nous invite à danser une curieuse valse-hésitation. Si j’ai adoré Le son du sourire, cet instantané de pianiste au passé familial aussi trouble que lumineux et que je salue l’audace de L’odeur de la poudre, cette histoire de presque viol qui se conclut sur une chute remarquablement habile, Rouge, Point de fuite ou Café n’ont pas réussi à me happer. Cette valse-hésitation, Natalie Jean nous la joue même entre paragraphes d’un même texte. Une seconde, on est soufflé par la beauté d’une métaphore, la puissance d’une description; la suivante, on lit un dialogue écrit dans une langue nullement châtiée ou le narrateur se passe une réflexion des plus terre-à-terre.

Si Je jette mes ongles par la fenêtre avait été pièce de musique, elle aurait vraisemblablement ressemblé à une trame de cinéma, avec certains thèmes forts, que l’on continue de siffloter en sortant, mais aussi de longues minutes qui accompagnent simplement l’image, qui ne laissent aucun souvenir. Mais, n’oublions pas que seuls les plus grands réussissent à maintenir l’intérêt du début à la fin et que nous n’en sommes qu’à un premier recueil.

Les autres collaborateurs de La Recrue ont beaucoup aimé de façon générale. Pour lire leurs commentaires, c'est ici...

2 commentaires:

Giusepe a dit…

Et Echenoz ? déçue ?

Lucie a dit…

Oui, malheureusement...
J'avais bien aimé son style dans Ravel (même si ses libertés musicologiques m'avaient un peu horripilée) mais là, franchement, malgré la poésie de certains passages, je me suis assez souvent ennuyée. :( Je suis passée à deux doigts d'abandonner ma lecture à deux ou trois reprises, c'est dire!