mardi 15 décembre 2009

La femme fragment

Nous sommes tous la somme de nos expériences mais aussi de celles de nos parents; voilà du moins la thèse que Danielle Dumais défend dans La femme fragment, un premier roman qui se révèle par bribes, au gré du regard posé par le lecteur dans cet intrigant kaléidoscope. Au fil des chapitres, Caroline nous est dévoilée : son amour des contes, ses souvenirs d’enfance atypique auprès d’un père qui a fui la société mais est prêt à tout offrir à sa fille, ses rêves, ses tiraillements amoureux. Par pans, grâce à un astucieux système de narration croisée qui permet de multiplier les points de vue et de maintenir l’intérêt du lecteur, on réalise qu’elle-même ne s’est pas encore entièrement apprivoisée, qu’elle a besoin de baliser son parcours, en souhaitant connaître l’histoire de cette mère qui l’a abandonnée jadis, en apprivoisant le vocabulaire amoureux au fil des relations, en apprenant à mieux connaître ce qui la définit.

Si j’ai été assez séduite par cette quête existentielle qui nous rejoint tous, j’admets avoir été par moments lassée par le style de l’auteure qui, en un même paragraphe, juxtapose parfois une image poétique magnifique et une autre plus maladroite, nous forçant à un curieux pas de deux entre enchantement et agacement. Si j’ai apprécié la multiplicité des narrateurs, qui permet d’établir un portrait le plus saisissant possible du personnage principal, j’aurais souhaité que, par moments, l’auteure brise ce moule et privilégie un rythme plus soutenu. Cela aurait évité certains passages qui donnaient parfois l’impression de tourner en rond – ou de réexaminer encore une fois un même fragment – et aider au souffle général du roman.

Curieusement, ces réserves n’ont que légèrement tempéré mon plaisir de lecture et j’ai plongé sans hésiter dans cette histoire de filiation à assumer et de violence plus ou moins transcendée. Les personnages atypiques continuent de m’habiter et, malgré une fin un peu à l’eau de rose, je me demande bien quelle vie ils mènent aujourd’hui. Peut-être bien parce que, comme Caroline, j’aime bien me faire raconter des histoires.

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