vendredi 25 mars 2011

Lettres à une musicienne

Je connais la poésie de Rainer Maria Rilke, ai lu ses Lettres à un jeune poète plus d'une fois (c'est d'ailleurs l'un des très rares livres que j'ai relus), mais  ne savais rien de ses Lettres à une musicienne avant qu'un ami ne les dégotte en bouquinerie, se les approprie et s'empresse de me les prêter, en affirmant haut et fort: « Il faut absolument que tu lises ça! » Comme souvent (toujours?), il avait raison et je dois dire que j'ai plongé avec délectation dans ces pages, qui ne sont pas seulement constituées des lettres de Rilke mais aussi de celles de Magda von Hattinberg (néanmoins en moins grand nombre dans le recueil, peut-être un choix de la succession de madame von Hattinberg), qui sait comment transmettre la musique de l'intérieur.
« Je voudrais vous apporter toutes les merveilles d’un monde nouveau dans une pièce tranquille et sans trop de lumière, une pièce qui tisse une chaude intimité autour du piano – un grand piano à qui l’on peut tout dire parce qu’il comprend tout, que l’on aime comme l’être le plus fidèle qui soit au monde, parce qu’il perçoit les pensées les plus secrètes et les transmet sans passer par les mots – avec toutes les vibrations d’une âme douce et passionnée. C’est ainsi que je voudrais que la musique vous parvienne. »  

J'y ai découvert un Rilke touchant de fragilité. Il n'est plus seulement un poète au sommet de ses moyens (qu'on les lise en langue originale ou en traduction, plusieurs de ces textes sont magnifiques et ont inspiré nombre de compositeurs... dont Brad Mehldau, qui en a tiré il y a quelques années The Book of Hours: Love Poems to God) ou un maître pour les écrivains de demain. Ici, il redevient un homme, séduit par une pianiste qui lui envoie un témoignage de reconnaissance après avoir lu ses textes, qu'il cherche à faire sienne à travers ses mots, ses souvenirs, le récit de son quotidien et quelques très belles réflexions sur la musique et la littérature.

« Mais vois-tu, mes livres sont des télescopes; lorsque quelqu’un approche son œil, son champ de vision est assailli par une multitude de choses : des ciels, des nuages, des choses et autres phénomènes divers, que sais-je encore, tout cela baigné d’une fraîche et profonde franchise, avec plus de violence, de précision et de validité qu’il n’en a l’habitude, c’est beau, c’est beau, il a le loisir d’en faire moisson, mais tout cela n’est pas moi, toi seule le sais, n’est-ce pas, regarde bien dans le tube dressé, ce petit point lumineux, là-bas – tu vois? – C’est mon cœur, on ne peut le reconnaître. »

Leur rencontre aura été fatale, semble-t-il, cet amour étant peut-être dès le début condamné à être sublimé.

2 commentaires:

Margotte a dit…

Je ne connaissais pas non plus ! Fort tentant...

Lucie a dit…

Et pour une fois, avec ces lettres, on a droit aux deux côtés de l'échange...