vendredi 2 décembre 2011

Sunset Park

J'aime Paul Auster, je l'ai déjà admis plus d'une fois. J'ai dû m'y reprendre à deux fois avant de céder aux charmes de son écriture (peut-être n'étais-je pas prête lors de notre première rencontre), mais depuis, j'ai tout lu de lui. J'ai adoré Leviathan, Le livre des illusions, La nuit de l'oracle, lui en veut encore d'avoir commis Dans le scriptorium (seul livre de lui que j'aie fourgué à une bouquinerie), aurais pu me passer de Tombouctou peut-être mais, pourtant, je me rappelle assez précisément de cette histoire de chien, comme quoi... Je me suis mise aux transcendantalistes après avoir lu la Trilogie newyorkaise, ai relu L'invention de la solitude, ce que je fais rarement.

Quand j'ai croisé Sunset Park à Paris, même si je savais qu'il arriverait dans les bacs montréalais deux semaines plus tard, je n'ai pas résisté. J'aimais bien l'idée de ce triangle New York-Paris-Montréal. Après tout, au début de sa carrière, Paul Auster traduisait Mallarmé dans une chambre de bonne et New York avait été ma destination voyage précédente.

Alors, Sunset Park... J'ai peiné à y entrer, non plutôt à y respirer peut-être. J'ai aimé Miles, qui fuit son passé et s'éprend d'une toute jeune fille. « Sa jeune bouche ardente l’a fait prisonnier. Il est chez lui dans le corps de cette fille, et si jamais il trouvait le courage de partir, il sait qu’il le regretterait jusqu’à la fin de ses jours. » J'ai aimé ces marginaux qu'il vient rejoindre à New York, avec lesquels il squatte une maison reprise par les banques. « Chacune de ces maisons est une histoire d’échec – de faillite, de cessation de paiement, de dette et de saisie – et il s’est chargé personnellement de relever les dernières traces encore perceptibles de ces vies éparpilles afin de prouver que les familles disparues ont jadis vécu là, que les fantômes de gens qu’il ne verra ni ne connaîtra jamais restent présents dans les débris qui jonchent leur maison vide. » J'ai aimé son père éditeur, sa mère actrice. Pourtant, j'ai trouvé ce regard si particulier qu'Auster pose sur l'Amérique, en faillite, en quête de sens, presque clinique, comme s'il ne savait plus comment s'inscrire dans cette masse humaine en transhumance, comme s'il considérait le cynisme, mais aurait préféré pouvoir traiter le propos autrement.

La réflexion sur la littérature, sur l'art qui transcende la vie, sur ces infinis possibles, a fini par me réconcilier avec le roman. Nous sommes la somme de nos choix et notre vie aurait pu être orientée différemment si nous en avions fait d'autres; l'essence du propos reste là. « Telle est l’idée avec laquelle il joue, dit Renzo, celle d’écrire un essai sur les choses qui ne se produisent pas, sur les vies non vécues, les guerres qui n’ont pas été livrées, sur ce monde d’ombre qui s’étend parallèlement au monde que nous prenons pour le monde réel, le non-dit et le non-fait, le non-remémoré. Un terrain hasardeux, peut-être, mais qui vaudrait peut-être la peine d’être exploré. »

Oui, Invisible demeure plus fort, plus abouti. Malgré tout, Sunset Park continue de m'habiter, quelques semaines après l'avoir refermé. Comme si Auster avait tout au plus déposé des pistes, qu'il me laissait libre de nouer autrement les fils des histoires qu'il avait partagées.

6 commentaires:

Adrienne a dit…

décidément, il faudra que je trouve LE bon Paul Auster, le bon pour moi, celui pour lequel je serai prête, comme tu le dis si bien ;-)

Lucie a dit…

Ne commence pas avec celui-là, c'est certain. Connaissant quelques bribes de toi, je te recommanderais L'invention de la solitude (mais tu auras à faire face à certains souvenirs) ou sinon, plus « neutre » et bonne introduction à l'univers je pense, Le livre des illusions. C'est par celui-là que je suis « revenue » à Auster.

Le Papou a dit…

Je ne connais que son nom et encore très vaguement. Mon problème, avec toi, est que tu en parles si bien que je vais me laisser tenter à la prochaine visite de ma bibliothèque.

Le Papou

Lucie a dit…

Comme je l'ai mentionné à Adrienne, je ne commencerais pas par celui-là, par contre :)

Claudio a dit…

D'accord avec Lucie, L'invention de la solitude et Le livre des illusions sont parfaits pour une entrée dans le monde austérien.

Je viens de terminer Sunset Park, que j'ai adoré et trouvé plus grand que Invisible, qui est plus virtuose peut-être mais moins profond, selon moi, que ce dernier opus.

J'expliquerai tout ça dans un billet qui paraîtra tu sais où :)

Lucie a dit…

J'ai hâte de lire ton point de vue là-dessus!:)