Une vie est faite de tournants, sans que l'on réalise sur le coup que l'on vient d'en prendre un. Je suis venue au journalisme en fondant La Muse affiliée en septembre 1998, magazine de pédagogie musicale qui tentait de palier à l'isolement que tous les professeurs d'instrument (dans ce cas-ci, particulièrement ceux affiliés à l'École Vincent-d'Indy) ressentent à un moment ou l'autre. Un soir comme un autre, je rentrais chez moi quand mon œil a été attiré par cette couverture d'un magazine dont j'ignorais tout, qui en était dans sa troisième année de publication.
Je ne savais pas qui était l'artiste en couverture, mais disons que sa dégaine ne m'a pas laissé indifférente. J'ai donc ramassé le numéro de juin 1999 de La Scena Musicale, l'ai feuilleté avec attention. Peu après, j'enverrais mon curriculum vitae, avec un exemplaire de La Muse affiliée sans doute (je n'en ai aucun souvenir). Une première commande d'article est tombée, sur la pianiste Mitsuko Uchida qui donnait cet été-là un concert au Festival de Lanaudière. Mes premières entrevues seraient complétées à l'automne, avec la soprano Karina Gauvin et le pianiste Marc-André Hamelin. Premières d'une longue série - qui me mèneraient suite à quelques autres bifurcations à couvrir la littérature québécoise et le théâtre.
Si, depuis 1998, j'ai bien sûr suivi avec intérêt la carrière de Dmitri Hvorostovsky, je ne l'avais jamais entendu en concert. J'étais donc plutôt fébrile à la pensée de découvrir le « lion de l'opéra » dans un récital intime, donné avec son partenaire de longue date Ivari Ilja à la Maison symphonique de Montréal vendredi. Première réaction, épidermique: ciel qu'il est (encore) beau (affirme celle qui avait bien failli s'évanouir quand Ivo Pogorelich lui avait fait un clin d’œil, l'année de sa victoire au Concours international de Montréal)! Cela n'a pris que quelques secondes pour que je sois conquise, parce que la voix est encore magnifique, que sa présence suave se prêtait bien aux circonstances, parce que je découvrais du nouveau répertoire (presque entièrement russe) et que son pianiste est l'un des chambristes les plus brillants que j'aie eu l'occasion d'entendre. Ivari Ilja possède en effet une rare maîtrise de la palette sonore, un raffinement exquis dans le phrasé, une intelligence du texte et une virtuosité qui ne mise jamais sur l'esbroufe (même si certaines des mélodies données hier auraient donné du fil à retordre à nombre de pianistes). Je connaissais les mélodies de Liszt (reprises dans ses Années de pèlerinage pour piano seul) et de Rachmaninov (j'ai écrit des notes de programme pour un album Analekta il y a quelques années), avais entendu quelques pages de Tchaïkovski, mais ai découvert avec un immense plaisir celles de Medtner, compositeur trop peu joué.
Elles m'ont rappelé indirectement l'été de mes 16 ans, passé en partie au Centre d'arts Orford, alors que j'avais travaillé avec André-Sébastien Savoie de ses Contes de fées. Ce serait précisément cet été-là que j'ai réalisé que je pourrais pas vivre sans la musique...
2 commentaires:
Là, on a quitté le domaine du coup de coeur pour entrer dans celui... du coup de foudre ! :-)
Bonne journée Lucie !
Peut-être un peu quand même... ;)
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