J'aime beaucoup l'univers du théâtre, sa force, sa proximité, la façon dont le texte, le jeu des acteurs nous happent, sans qu'on songe un instant à s'échapper. C'est un art vivant, vibrant, vivifiant. Quand j'ai vu que le TNM montait cette année un Ionesco, je n'ai pas hésité, je l'ai proposé à mes étudiants du cours de culture générale. Il y a deux jours, je leur ai présenté la pièce (nous irons la voir dans dix jours) mais ai d'abord amorcé mon cours par une présentation générale du médium, histoire de leur inculquer quelques repères, quelques mots de vocabulaire: commedia dell'arte, unité, Molière (à ma grande joie, une étudiante a avoué que c'était son dramaturge préféré... à ma moins grande joie, elle semblait l'une des seules à connaître son nom), le théâtre de l'absurde d'Ionesco. Je leur ai décrypté Rhinocéros (que j'ai lu avec un plaisir presque jouissif, le langage étant manipulé de façon à la fois ludique et diablement précise), leur ai expliqué le sous-texte (la pièce est un plaidoyer pour la liberté d'expression, le libre penser, contre la propagande de masse des régimes totalitaires). Je leur ai lu un extrait, complètement délirant, dans lequel le logicien réussit à prouver tout et n'importe quoi, notamment que Socrate est un chat, que les chiens sont des chats, qu'un chat sans pattes est néanmoins un chat. L'absurde poussé au maximum mais qui en même temps fait frémir. N'est-ce pas ainsi qu'un tribun convainc les masses de la pertinence de son message, qu'on bâillonne les artistes? Constat criant d'actualité, presque 50 ans après la création de la pièce...
Mon fils, intrigué, déstabilisé, envoûté par le théâtre (il considère de peut-être se perfectionner dans le domaine) est allé voir la pièce hier avec un ami (première sortie au théâtre non encadrée pour les deux jeunes hommes). Il est revenu avec le sourire, séduit. Il s'est assis sur mon lit (je terminais la pénible lecture des Recettes de la Callas qui, selon moi, n'a de positif que son nombre de pages restreint), s'est mis à me narrer certains passages, a potassé le programme de soirée en ma compagnie (son acteur fétiche, Marc Béland, y tenait le rôle de Jean), semblait avoir saisi la plupart des messages livrés par l'auteur. En échangeant avec lui, j'avais hâte de me glisser dans la salle, de plonger dans l'univers, d'accepter le rire comme la grimace. Aucun doute: le théâtre est toujours bien vivant. Heureusement...
3 commentaires:
Premier commentaire, je suis stupéfaite qu'il y ait une seule élève qui connaisse (et adore) Molière. Sidérant quand même. Bravo de les amener vers le théâtre en les encadrant ; c'est bien la meilleure manière. Habituellement, les jeunes sont sensibles à la dimension "absurde" (génération de la Petite Vie quand même !)
Comme je comprends ton fils pour Marc Béland ; quel comédien complet ! Il joue avec son corps, pas seulement avec sa tête. Il faut dire qu'il a été danseur pour ceux qui ne le savent pas (toi, tu le sais sûrement). Quand on pense aussi qu'il a un 45 ans bien sonné, eh bien, on lui lève notre chapeau !
Et je l'ai trouvé bien bonne celle-là ... " a de positif que son nombre de pages restreint" !!!
J'aime beaucoup le jeu très physique de Marc Béland. Je l'avais adoré il y a quelques années dans L'asile de la pureté de Gauvreau et je l'apprécie dans Annie et ses hommes (que mon fils a surnommé Renaud et ses amis, bel hommage pour le personnage). C'est comme s'il sculptait ses personnages...
Ahhhh... Ionesco !
De bons souvenirs... Je passais des après-midi entières avec une de mes amies, à monter des extraits de La Cantatrice chauve dans son garage. Nous avions 12 ans et nous nous éclations comme des folles ! Plus tard, j'ai interprété mon premier vrai rôle sur scène (enfin, c'était le second si je compte le perroquet interprété dans une fable, en classe de CM1...): la Reine Marguerite dans Le Roi se meurt ! Vieille Reine un tantinet acariâtre (rôle de composition, vous vous en doutez !). J'ai tant de bons souvenirs autour du théâtre de Ionesco... C'était pour moi tout un monde à découvrir, un regard sur le monde qui prend le contrepied du consensuel et éveille l'esprit critique de ses lecteurs. Et tout cela, avec humour !
Merci Lucie, pour raviver (sans le savoir) le souvenir de ces épisodes fondateurs...
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