vendredi 5 décembre 2008

Bob

Magistral, magnifique, magique: la dernière pièce de René-Daniel Dubois, Bob, présentée au Théâtre d'Aujourd'hui pour quelques jours encore à peine (malheureusement pour vous, c'est complet) est tout ça et bien plus encore. Bob et Andy, deux coursiers à vélo, tombent, plongent, volent littéralement en rencontre, leurs trajectoires se percutent. L'un homosexuel, Andy (Benoit McGinnis, particulièrement convaincant avec un jeu tout en nuances), en apparence plus fragile, est sous le choc amoureux. L'autre (Étienne Pilon, caméléon qui se métamorphose sous nos yeux, magistral) est prêt pour une rencontre, une vraie connexion entre deux êtres, des liens tissés serré, qui soutiennent, qui illuminent mais qui permettent aussi aux douleurs d'être exprimées, de ronger l'âme, d'être transcendées aussi.

Le texte, qui a habité l'auteur pendant près de 17 ans (!) est d'une rare puissance et d'une réelle poésie. Il questionne sur l'identité, l'image que l'on transmet aux autres (et indirectement à soi), la nécessité pour l'humain d'établir des contacts réels, pour l'artiste de pouvoir créer. Il fait aussi voler en éclats les préjugés, que ce soit en nous présentant l'histoire d'amour/amitié minée au départ entre un homosexuel et un hétérosexuel ou en nous dépeignant celle de Bob et Agnès, une actrice à deux doigts de la mort (spectaculaire Michelle Rossignol) qui revit une dernière fois grâce à la promesse de la jeunesse. Il force à l'écoute (et ce, pendant près de quatre heures qui passent à une vitesse surprenante), à l'instrospection, favorise le doute, la catharsis.

La mise en scène de René Richard Cyr joue la carte de la subtilité et de la transparence. (Tous les accessoires sont par exemple en périphérie de la scène dès le début.) Les interventions du chœur dont certains membres jouent ici et là certains rôles secondaires (soulignons ici le jeu parfaitement assumé de Robert Lalonde) sont efficaces, transformant la pièce à quelques occasions en oratorio. La présence de Michelle Rossignol à la fois sur vidéo et sur scène est particulièrement efficace. Les images de Pierre Mignot permettent de saisir les infimes nuances de son jeu et de les magnifier, de les sublimer.

Coup de foudre, coup au coeur... Amour, magie, art: un triumvirat éternel, qui continuera d'habiter longtemps ceux qui ont pu participé à cette communion exceptionnelle.

Pour ceux qui voudraient découvrir la pièce de l'intérieur, elle est publiée chez Leméac (au coût relativement minime de 17 $).

Une vidéo avec certains des intervenants ici...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ca y est, je suis jalouse! En espérant que cette pièce aille un jour en tournée en région!

Lucie a dit…

Je sais que le Théâtre d'Aujourd'hui est en tournée avec certaines pièces à chaque année (au gré des subventions, j'imagine)... Si elle passe dans ton coin de pays, cours-y! En plus, Andy était compositeur avant d'être messager... soupir...

Venise a dit…

Curieux quand même, j'ai entendu une critique très différente de celle-là. Remarque, c'est courant, autant que pour les livres mais quand c'est deux personnes que je connais assez bien, le goût d'aller me forger ma propre opinion me démange encore plus.

On ne sait jamais, peut-être y aura-t-il une tournée s'arrêtant à Sherbrooke par exemple.

Lucie a dit…

Venise: tu m'intrigues! Différente, comment? Quelqu'un qui n'a pas aimé? J'ai été suffisamment portée par le texte qui traite en partie de l'acte de création - et donc forcément me rejoint beaucoup - pour acheter le texte en sortant...

Venise a dit…

J'imagine qu'elle ne m'en voudra pas, c'est une personne qui assume ses opinions et c'est sur son blogue et un blogue, c'est fait pour partager, non ?
C'est Laurence Prud'homme sur La Caravane et le billet s'intitule "Hurler" :
http://www.lesblogues.com/lacaravane/15510/

Lucie a dit…

En effet, quelle antithèse à la façon dont j'ai vécu la pièce...

Je pense que c'est un signe tout de même intéressant de sa puissance, qu'elle puisse venir toucher autant positivement que négativement. Une chose est certaine: elle a un impact et elle questionne.

En prolongement...
http://cahieresquisses.blogspot.com/2008/12/le-thtre-et-la-vie.html