En sortant, je n'ai évidemment pas pu résister à l'appel des autres étages et suis donc partie avec quelques disques (pas plus de trois, bien malheureusement), plusieurs partitions (de Schumann à Brubeck) et quelques livres (eh oui, malgré ma titanesque PAL). Au rayon des nouveautés, je me suis arrêtée spécifiquement dans la section des S, à Saramago plus précisément, espérant y trouver son dernier livre de billets parus dans son blogue, traduit récemment. J'ai eu entre les mains Le voyage de l'éléphant, que je suis passée à deux doigts de prendre et que j'ai ensuite vaillamment repoussé, consciente que trois romans étaient bien suffisants pour cette fois. J'arrive ici et ouvre l'infolettre hebdomadaire de Dimedia, pour apprendre que, oui, le grand romancier portugais est décédé hier. Une façon d'oublier le passé (plus ou moins lointain) et de reprendre pied, bien brutalement, dans le présent.
J'ai beaucoup lu Saramago - mais pas tout encore - et j'aime beaucoup cet auteur, cette voix unique, cette respiration à nulle autre pareille, dans laquelle il faut se couler si on ne veut pas être laissé en plan. Un ami m'avait offert L'aveuglement il y a plusieurs années déjà. (Le livre est d'ailleurs nettement supérieur au film.) Au début, j'avais été déstabilisée par l'écriture puis je me suis dit que s'il avait choisi de me l'offrir (il a enseigné la littérature pendant de nombreuses années), c'est que l'ouvrage devait être important. Quelques mois auparavant, il m'avait mis L'attentat de Khadra dans les mains (éventuellement, ce serait La fête au bouc de Vargas Llosa), je pouvais donc lui faire confiance. Je me suis donc accrochée et, après quelques dizaines de pages, j'ai fini par m'attacher à cette musique si particulière, à ce regard à la fois acéré et tendre, à cette verve épique avec laquelle l'auteur peut transformer un geste insignifiant en objet littéraire.
« J'écrivais un roman comme les autres, avait-il expliqué au Monde des Livres du 17 mars 2000. Tout à coup, à la page 24 ou 25, sans y penser, sans réfléchir, sans prendre de décision, j'ai commencé à écrire avec ce qui est devenu ma façon personnelle de raconter, cette fusion du style direct et indirect, cette abolition de la ponctuation réduite au point et à la virgule. Je crois que ce style ne serait pas né si le livre n'était pas parti de quelque chose que j'avais écouté. Il fallait trouver un ton, une façon de transcrire le rythme, la musique de la parole qu'on dit, pas de celle qu'on écrit. Ensuite, j'ai repris les vingt premières pages pour les réécrire. »
Sa voix me manquera... heureusement qu'il l'a transmise dans ses livres. J'aurais envie de lui offrir le Dichterliebe, « Les amours du poète », un des enregistrements rapportés.
4 commentaires:
oh oui, le hasard nous joue des tours incroyables ;-)
Étrange la vie parfois ... "drôle" de coïncidence
Claudio a dit:
Un choc pour moi d'apprendre la mort de ce si grand auteur. Je ne suis pas fier de le dire, mais j'ai commencé deux de ses livres et ne les ai pas terminés. Il s'agit de L'autre comme moi et de L'aveuglement. Je ne me suis jamais remis d'avoir abandonné ces deux livres, car à chaque fois que je les vois dans ma bibliothèque je me dis : un jour, un jour.
Ce jour sera très bientôt, j'en suis sûr, surtout après la lecture de ton billet .
Adrienne et Kikine: dans ce cas-ci, je m'en serais passée...
Claudio: il faut être dans un état d'esprit particulier, je te l'ai toujours dit. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai redéposé Le voyage de l'éléphant...
Enregistrer un commentaire