Bien sûr, si vous allez au concert entendre, disons, la « Pathétique » de Tchaïkovski ou même le Sacre du printemps de Stravinski, vous ne vous étirerez pas le coup pour voir si, peut-être que, par hasard, le compositeur est assis à quelques sièges du vôtre (à moins que vous ne perceviez des choses que bien peu d'entre nous soupçonnons). Mais si vous assistez à la première d'une œuvre, vous admettrez que la donne est légèrement différente. Il y a de fortes chances que le compositeur sera dans la salle et pourrait donc - sauf si vous êtes assis au dernier balcon - être votre voisin immédiat ou presque. Est-ce que cela changerait quoi que ce soit à votre expérience de concert?
Le compositeur américain John Adams, une mégavedette, il faut bien l'admettre, s'est trouvé dans cette disons légèrement compromettante position et en parle avec son humour décapant habituel sur son blogue. Lors d'un concert récent, son voisin ne s'est rendu compte de rien, n'a pas hésité à lever les yeux au ciel et à échanger quelques commentaires plus ou moins discourtois sur l'« imbuvable musique contemporaine » (je paraphrase mais les guillemets sont essentiels et il faudrait peut-être mettre des majuscules à tout ça!) ou à consulter ses courriels pendant les pauses entre les mouvements. (Le Blackberry et l'IPhone ne sont-ils pas merveilleux pour cela?) Bien sûr, une fois qu'Adams se fut levé pour saluer la foule après l'interprétation de l'œuvre en question, le dit voisin s'est empressé de trouver la pièce absolument for-mi-da-ble et y est presque allé de grandes claques dans le dos. (Nous sommes aux États-Unis, que diable!)
Ne devrait-on pas toujours vraiment écouter au concert ou, du moins, faire l'effort de se laisser toucher par la musique entendue? J'ai assisté il y a deux semaines à un concert de la Neuvième Symphonie de Mahler, une œuvre magistrale mais qui, avec ses 85 minutes, peut être taxée de quelques longueurs (même si certaines de ses langueurs sont absolument somptueuses, notamment dans les premier et dernier mouvements). Pendant le premier mouvement, j'ai remarqué que le vieux monsieur assis devant moi était parfaitement immobile. Oui, bien sûr, il est possible qu'il ait été si captivé par ce qu'il entendait qu'il ait décidé de se plonger en lui-même pendant une vingtaine de minutes. Laissons-lui le bénéfice du doute, me direz-vous. (L'année dernière, celui derrière moi ronflait à la fin de City Life de Steve Reich. Le bénéfice du doute, là aussi?) Trois sièges plus loin, un hurluberlu lisait calmement, non pas ses notes de programme mais une brique en poche: Les Bienveillantes de Jonathan Littell. On parlait ici d'un billet au parterre (allez consulter les tarifs sur le site de l'OSM si vous y tenez ou croyez-moi sur parole que ce n'est pas pour toutes les bourses) et l'homme en question était seul. (Non, mauvaises langues, il n'avait pas été « trainé » au concert par sa femme, qui se mourrait de voir le « beau maestro Nagano ».) Qu'il ait choisi de lire ce livre tout en écoutant la symphonie dans son salon, bravo, mais est-ce que le concert n'exige pas un minimum d'implication? C'est peut-être moi qui suis vieux jeu, allez savoir...
6 commentaires:
C'est bien connu: un bon compositeur est un compositeur mort.
Cette croyance populaire est déplorable. J'aime toujours beaucoup plus assister à une création que de me faire ressasser un « hit » - et, oui, j'aurais reconnu John Adams s'il avait été assis à côté de moi, ciel! D'ailleurs, ce soir, je m'en vais à un concert de percussions, histoire de sortir, justement, des sentiers battus.
Comment changez ces comportements fautifs du public? Ça me désole...
Ça alors, le summum du luxe : se payer un concert pour y lire :)
C'est assez désolant, en effet !
alors moi aussi je suis vieux jeu ;-) et parfois je me demande ce que certaines personnes sont venues faire à une représentation: ne savaient-elles donc pas à l'avance ce qu'il y avait au programme?
quand je vois des gens s'ennuyer, être "déplacés", je me dis que peut-être ils ont eu le billet gratuit de leur firme qui sponsorise?
Kikine: tu te rends compte, quand même? Je ne réussissais pas à lire le titre de son bouquin de mon siège mais celui qui m'accompagnait m'a révélé le « punch » à la sortie. J'ai trouvé qu'il avait quand même un certain sens de l'humour de lire ce bouquin interminable en écoutant une des plus longues symphonies mais, sinon, pfff!
Adrienne: en tout cas, si c'est sa boîte qui l'a envoyé là gratis, il ne faisait pas très « homme d'affaires »... plutôt hurluberlu, avec un curieux chapeau mais, peu importe... autant alors rester à la maison et donner son billet à quelqu'un qui aurait pu l'apprécier (j'aurais eu deux ou trois élèves qui s'y seraient calmement assis avec beaucoup de plaisir).
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