mercredi 29 septembre 2010

L'OSL dans Tchaïkovski, Brady et Mathieu

D'entrée de jeu, je jouerai la carte de la transparence. Je n'avais jamais entendu l'Orchestre symphonique de Laval en concert (mais avais pu l'apprécier sur disque avec Alain Lefèvre dans le Concerto K. 488 de Mozart, enregistrement que j'ai même offert en cadeau) et n'avais jamais mis les pieds dans la Salle André-Mathieu. J'ai donc saisi l'occasion lors du concert d'ouverture de cette 25e saison (quand même!), qui proposait un programme bien équilibré, dirigé par le directeur musical de l'OSL, Alain Trudel: l'ouverture fantaisie de Roméo et Juliette de Tchaïkovski, la création d'un nouvel opus de Tim Brady, compositeur que j'apprécie tout particulièrement et le Concerto no 4 de Mathieu interprété par le pianiste Alain Lefèvre, œuvre que je connais bien au disque, que j'avais pu entendre à la télévision mais que, là aussi, j'entendais pour la première fois « live ».

Dès les premières mesures du Tchaïkovski, j'ai été agréablement surprise par la qualité des attaques, le velouté des cordes et la cohésion de l'orchestre. Alain Trudel a opté pour un tempo peut-être un peu plus assis que je ne l'aurais souhaité dans la partie flamboyante de l'œuvre mais, en tout temps, on en percevait admirablement la respiration. Oui, bien sûr, l'intonation n'était pas toujours parfaite, particulièrement chez les cuivres (mais je pourrais en dire autant de nombre de concerts donnés par le grand orchestre voisin), les bois manquaient parfois un peu de relief mais le courant passait, indéniablement, nous rappelant que cette page de Tchaïkovski, romantique à souhait, est encore et toujours diablement efficace.

Tim Brady, compositeur en résidence de l'OSL pour une troisième année, particulièrement impliqué dans le programme pédagogique de l'orchestre - ce que je ne peux que saluer - a ensuite présenté En amour, en hiver, opéra de chambre pour baryton et orchestre sur un texte de Michel Rivard (absent, mais qui s'est exprimé via vidéo). À travers six textes, six souvenirs d'amour, qui s'enchaînent, l'auteur évoque certains visages de l'amour, de 12 à 60 ans. En quelques aplats sonores, Tim Brady réussit à nous plonger dans un univers particulièrement évocateur, indéniablement hivernal, tantôt presque désolé, tantôt plus ludique. On sent qu'il a appris à connaître les particularités de cet orchestre qui est un peu devenu le sien et sait comment le mettre en valeur. Le baryton Michael Donovan, à la voix à la fois dramatique et scintillante, a habité le personnage avec conviction, malgré une gestuelle faciale un peu figée. Il a transmis avec une remarquable qualité d'élocution le texte en prose de Rivard, qui m'a semblé très faible par moments. « Le lac est gelé, solide, solide solitude, je marche et ça crisse, sous mes bottes, la neige crisse, le ciel, bleu ciel bleu, la blanche neige, crisse, sous mes bottes, bleu blanc, verte la lisière des arbres, je marche vers le milieu du lac, ma chienne me suit, bleu blanc vert... » Un texte en vers n'aurait-il pas été plus porteur ici et aurait pu se révéler un soutien plus adéquat à cet habillage musical somptueux et étoffé?

Après l'entracte, pièce de résistance: le Concerto no 4 de Mathieu, joué par son grand défenseur, Alain Lefèvre, dans la salle même qui porte son nom... Comment ne pas ressentir une certaine fébrilité dès les premières notes? Je réalise que plusieurs spécialistes du milieu s'insurge contre Mathieu, qu'ils considèrent un compositeur mineur, sans génie, dépourvu de qualités. Pourtant, comment résister au charme contagieux de ses mélodies, au lyrisme puissant du thème du deuxième mouvement du concerto par exemple? Pourquoi ne peut-on pas simplement accepter son œuvre pour ce qu'elle est: un regard vaguement nostalgique teinté de romantisme du 19e siècle, certes, mais néanmoins habilement rendu? Doit-on absolument décrier un compositeur parce que le « peuple » réagit à sa plume? Derrière moi, j'ai entendu un monsieur chuchoter à sa voisine quand il a reconnu l'extrait du concerto présenté dans le film sur André Mathieu. Cela ne m'a aucunement irritée, j'étais simplement ravie de savoir que le thème l'avait suffisamment touché pour qu'il le fasse sien, après une ou quelques écoutes. Quand le délicat mouvement lent a été esquissé, j'ai entendu un autre spectateur soupirer de contentement, comme lorsqu'on entend le thème du célèbre du Deuxième Concerto de Rachmaninov. Comment peut-on dénigrer une telle appropriation du répertoire?

Comme toujours, Alain Lefèvre a su faire fi des redoutables pièges techniques qui parsèment le concerto, nous amenant tantôt au seuil des larmes et à d'autres, au bord du gouffre. Ce concerto de Mathieu en particulier reprend tous les éléments qui rendent la forme si attrayante: oscillation dialogue /combat entre chef et soliste, prouesses virtuoses (admettons-le, le mélomane aime ressentir l'excitation du danger quand il voit et entend le pianiste attaquer une cascade de doubles octaves ou défie les passages rapides!) et moments de réelle émotion.

Vous n'avez pas besoin de me croire sur parole. Découvrez-le ici...

2 commentaires:

Lucie a dit…

"Doit-on absolument décrier un compositeur parce que le « peuple » réagit à sa plume?"
Cette question parsème toute ma réflexion musicale... Vraiment, pourquoi doit-on critiquer un compositeur/groupe (ca peut être du Rachamninoff ou du Radiohead) uniquement car il est "facile" d'accès? J'ai toujours été fervente de la musique intelligente ET accessible - il y réside une vraie part de génie et d'universalité. De là émane également tout le débat sur la musique classique contemporaine, ou pourquoi les professionnels/musiciens/musicologues se lamentent que cette musique ne soit pas plus jouée et représentée, alors qu'ils l'opposent par principe au 'populaire'? Leur vocation n'est-elle pas tout simplement ancrée dans un paradoxe ??

Sur ce, je te souhaite une bonne journée ;o)

Lucie a dit…

Je suis tout à fait d'accord. En même temps, j'en ai soupé d'entendre tous les orchestres ressasser en cascade les symphonies de Beethoven « parce que ça plait » mais surtout « parce que ça fait vendre des billets »!

Mais je ne suis plus capable d'entendre les puristes s'écrier d'un air entendu que tel compositeur est « passé », « inintéressant » ou « nul » parce que monsieur et madame tout-le-monde l'apprécie.

Je pense néanmoins qu'en présentant en programme qui juxtapose « hit » et « mais qu'est-ce que c'est? », on gagnera plus de points au final. Je doute que le public de mardi se soit précipité pour entendre la création d'une œuvre contemporaine, fût-elle écrite sur le texte d'une « vedette ». Mais tous l'ont applaudie chaleureusement néanmoins.