jeudi 3 février 2011

La flûte dans tous ses états

Interpellée par la proposition de pouvoir entendre quatre œuvres contemporaines qui faisaient la part belle aux flûtes (dont trois créations), je n'ai pas hésité à accepter l'invitation de l'ECM+ de me glisser dans la chaleureuse salle du Conservatoire mardi soir, presque pleine. Premier constat: le public est en général jeune, souriant et, quelques minutes avant le concert, on percevait même une certaine effervescence dans l'air. Tentez l'expérience avant un concert disons « traditionnel » et nous pourrons nous en reparler.

Au fil de la soirée, le public aura découvert quatre esthétiques foncièrement différentes, que l'on a pris soin de démystifier, le compositeur et auteur Nicolas Gilbert, hôte de la soirée, évoquant certains des défis et des plaisirs d'écrire pour octuor de flûtes ou s'entretenant en toute simplicité avec deux des quatre compositeurs. Avant même qu'une seule note ne soit jouée, on comprend qu'on ne se sentira pas dépassé par l'expérience.

Nous avons pu entendre deux œuvres franchement atmosphériques: Magister Ludi de Gordon Fitzell, étonnant paysage musical pour huit flûtes (l'ensemble de flûtes Alizé) et violoncelle, tour à tour déserté ou agité, qui menait à un certain état méditatif et Bosquet de Christopher Butterfield, une expérience d'immersion sonore complète, véritable concerto pour violoncelle et chœur de 26 flûtes, dispersées tout autour de la salle. Chapeau ici à la violoncelliste Marieve Bock, au jeu sensible et engagé, contrepoint étonnant aux textures transmises par les  flûtes, entre délicats bruissements d'ailes et hypnotiques appels d'oiseaux.  

Elysium de Kati Agocs adoptait quant à elle un registre programmatique, en juxtaposant une trame sonore relatant des naufrages de navires (déjà presque un contrepoint en soi, les voix des divers narrateurs se chevauchant de façon très adroite) à une partition dans laquelle la mer s'entendait parfaitement, le violoncelle y représentant rien de moins que la voix de Dieu, qui finit par laisser la vie sauve au marin. En début de seconde partie, Marie-Hélène Breault a envoûté le public avec Dialogue du silence de Katia Makdissi-Warren, inspiré du tagasim, improvisation arabe dans laquelle le silence joue un rôle essentiel, magnifiant le propos entendu précédemment et préparant la prochaine phrase musicale.

L'énergie communicatrice de la chef d'orchestre Véronique Lacroix et des interprètes a largement contribué à déboulonner le mythe de la musique contemporaine comme étant inaccessible, froide, intellectuelle et réservée à une élite. Ce soir-là, elle parlait directement aux sens, se laissait apprivoiser sans effort, reprenait ses droits de langage universel qui fait fi des barrières pour parler directement à l'âme.

On peut visionner des clips de spectacles précédents de l'ECM+ ici...

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