samedi 17 décembre 2011

Onze

Les attentats du 11 septembre 2001 continuent de hanter l’imaginaire collectif; 10 ans après, la blessure semble encore béante. Après avoir signé en 2008 Autour d’eux, un recueil de nouvelles d’une grande finesse, Annie Dulong propose avec Onze, son premier roman, d’utiliser le levier de la fiction pour raconter les derniers instants de 11 personnages, mais surtout de saisir l’onde de choc que leur disparition provoquera sur conjoints, enfants, membres de la famille, amis…

L’auteure a décidé de consacrer ses études postdoctorales à la question du 11-Septembre et a sans doute entendu des centaines, des milliers d’histoires qui se rejoignent en leur essence, mais qui restent profondément uniques. Ce matin-là, des vies ont basculé, irrévocablement. Pourtant, avec Onze, Annie Dulong refuse de tomber dans l’anecdotique ou d’adopter un ton clinique. Elle mise sur l’émotion qui s’inscrit au cœur même du quotidien : la joie ressentie envers une grossesse désirée, les déchirements de celui qui hésite entre sa femme et sa maîtresse, l’impossibilité pour une mère d’expliquer à son enfant que son héros – leur héros – a péri au milieu des flammes, les émois d’un couple qui apprend encore à se découvrir …
« Je n’ai pas tracé dans la poussière les lettres de ton nom. E, V, A, une à la fois, comme si tu pouvais les lire, comme s’il était possible que tu les découvres et comprennes que je t’attendais. »
La romancière sait transmettre avec puissance et délicatesse le contrepoint de ces voix aux timbres distincts, les enchevêtrements des voies empruntées. On plonge, pas tant dans l’horreur que dans la tristesse, le désespoir, la rancœur, la tendresse.
« Andrew, j’ai cherché ta trace sur les images. Dans le fouillis des papiers et de la cendre, dans le désordre des pas emmêlés et des voitures abandonnées. J’ai voulu retrouver quelque chose, l’empreinte de ceux qui ne sont plus là. L’ombre de ton visage. »
Objet hybride entre recueil de nouvelles et roman, le livre est divisé en deux parties de onze chapitres qui se répondent, nous questionnent mais nous n’offrent aucune conclusion. Comment regarder vers l’avant quand on ne souhaite qu’une seule chose : arrêter le temps et retourner en arrière?
« Continuer, avancer, aller de l’avant. Je ne leur dis pas qu’à force de regarder vers l’avenir, j’ai mal au cou. » 
Malgré la densité du sujet, le lecteur accepte ce voyage au bout de la nuit, porté par le souffle de Dulong, conscient que nul n’en sortira indemne.

2 commentaires:

Anne a dit…

Un sujet difficile traité avec délicatesse...

Lucie a dit…

Il faut être prêt à plonger dans ce sujet, mais sinon, je recommande absolument!