Martine Delvaux, dont j'ai découvert avec plaisir la plume à travers Le bleu du ciel, publié dans Réinventer le 11 septembre et que je relirai assurément, l'a démontré admirablement avec son dernier roman au titre délicieusement décalé, Les cascadeurs de l'amour n'ont pas droit au doublage. La narratrice est québécoise, son ancien amant tchèque. Ils se sont rencontrés à Rome, apprivoisés, aimés, avant de se dévorer puis déchirer à Montréal, qu'une guerre de tranchées sournoise ne dynamite à la vitesse de l'éclair une relation qui semblait posséder tous les atouts de celles qui pourraient s'inscrire dans la durée et une certaine félicité.
« Je voulais taper sur le clavier comme je t’avais embrassé, comme j’avais mordillé ton visage, parce que rien ne pouvait satisfaire l’envie que j’avais de toi, de faire l’amour avec toi, comme si ma vie en dépendait, m’abandonner à ton corps, me couler sous ta peau. »
Elle retourne sur les lieux mêmes du crime, là où tout a commencé, histoire de se défaire, un geste, un mot, une morsure à la fois, de cet amour dont elle ne reconnait plus les contours. « C’est l’Italie de notre première nuit, de nos vies entrelacées. Je suis venue les dénouer un fil à la fois, couper chacun des fils qui me relient à toi, te retirer tout ce que t’ai donné et que tu as bousillé. » Elle lui crache au visage cet amour dont il n'a pas su prendre la mesure, cette rancœur de ne pas avoir su lire à temps ce qui le rongeait, en phrases coup de poing, qui assomment autant qu'elles caressent. « Je ne sais pas si j’ai vécu cet amour pour pouvoir l’écrire, ou si je l’écris pour qu’il finisse par exister. »
On aura rarement pu aussi bien mettre des mots à la fois si précis et si universels sur l'ampleur d'un désastre. Cet amour a-t-il au fond seulement existé? N'a-t-il servi que de prétexte, de déclencheur? Peu importe au fond. Il aura permis à l'auteure de signer un très beau - même si viscéralement déchirant - livre.
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