jeudi 12 juin 2014

Monde sans oiseaux

Dans le cadre du Festival Metropolis bleu, j'avais assisté à une table ronde mettant en lumière l'auteure de ce premier roman français qui avait séduit les membres des clubs de lecture organisés en marge du Festival du premier roman de Chambéry. L'animatrice de la table ronde à laquelle participait également Véronique Bourlon (directrice du Festival du premier roman de Chambéry) et David Clerson (auteur du premier roman Frères, grand gagnant du côté québécois) semblait enthousiaste, avait marqué des dizaines de pages. Karin Serres avait lu quelques extraits, qui m'avaient interpellés, mais sans plus. Il m'aura fallu un compte rendu enthousiaste de Marion pour que je n'hésite plus et réserve le livre à ma bibliothèque. Parfois, on a besoin d'apprivoiser un livre avant de pouvoir plonger.

Fille de pasteur, Petite boîte d'os vit dans un monde en marge, mythique plutôt que féerique. Si les oiseaux n'y existent plus, l'eau y agit en reine. Les corps des morts jonchent le fond du plan d'eau, des cochons roses mutants y barbotent, les maisons y dorment parfois avant qu'elles ne soient remontées sur la rive par les habitants. On vit au rythme des saisons, conscients des gestes à poser pour que la terre et la mer nous nourrissent. On vit aussi au rythme des passions que l'on refuse de brimer, dont on accepte la fatalité, que l'on entretient farouchement, sachant que la mort rôde, que l'on tente de l'oublier ou non.
« La vie est ronde. On se regarde, face à face, tellement près. On se connaît par cœur, on se redécouvre sans arrêt. »
Sur une centaine de pages, le lecteur suit le destin de Petite boîte d'os, porté par l'écriture presque rêche, pourtant engageante de Karin Serres. On la voit vieillir sous nos yeux, de la fillette éveillée à mère troublée qui doit prendre le ferry pour aller travailler, dans la ville polluée, au-delà des limites du village. « Le temps me traverse, rien ne l'arrête. » Une dizaine de pages suffisent pour que l'on ait l'impression de la connaître, de l'avoir croisée à l'église, d'avoir contemplé l'horizon avec elle, d'avoir entendu les rires de son fils Knut ou les grognements de leur cochon domestique, d'avoir eu l'impression de pouvoir toucher la tendresse du bout du doigt. Magique.
« Tremblement de terre. Le lac se soulève devant moi en un geyser noir et glacé, les rues de planches se défont comme des touches de piano balancées dans les airs et la terre craque, se fissure, abat tous les arbres de la forêt. » 

4 commentaires:

Marion a dit…

Ce dernier extrait ne pouvait pas t'échapper ! ;-)

Ton billet m'a permis de replonger. Merci !

Lucie a dit…

Merci à toi! ;)

Lili a dit…

Tu me donnes terriblement envie !

Lucie a dit…

Tu n'as pas nécessairement besoin de résister! :)