Avec 887, son dernier spectacle présenté jusqu'au 8 juin au TNM (faites vite, il ne reste déjà que quelques billets), Robert Lepage propose un travail fascinant sur la mémoire, aussi bien individuelle que collective. Largement autobiographique (nul besoin ici de même tenter de franchir la frontière de l'autofiction), le one man show, porté par une équipe de collaborateurs vêtus de noir, véritables ex machina de la pièce, se décline comme un plaidoyer sur la nécessité de se souvenir.
Oui, il sera question de la famille Lepage, de ce bloc appartement de la rue Murray à Québec dans lesquels se côtoient vies parallèles et complémentaires. Fratrie, parents, grand-mère et voisins sont évoqués, mais ces tranches de vie servent d'ancrage à un propos qui va bien au-delà de l'anecdotique, le tout permettant de tracer le portrait oh combien essentiel d'une époque, révolution qui au fond n'avait de tranquille que le nom. Que sont devenus les interrogations, les bouleversements sociétaires? Notre parole aseptisée a malheureusement oublié de se souvenir. (Rarement maxime s'est révélée aussi dépouillée de sens.)
Menant de façon implacable au redoutable Speak White de Michèle Lalonde (toujours aussi essentiel aujourd'hui qu'en 1970), la pièce est construite de façon magistrale, véhémence et nostalgie se succédant en une série de tableaux qui forcent le spectateur à s'interroger sur sa propre lecture de l'histoire (petite et grande).
Robert Lepage est l'un de nos plus grands créateurs et il serait futile de l'oublier. Après nous avoir offert un troublant portrait de Sade dans Quills il y a quelques semaines à peine, il marque de nouveau les imaginaires, refuse le statu quo et la langue de bois. Indéniablement, 887 fera assurément date.
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