Peut-on être artiste sans se laisser habiter par le doute? Il faut simplement éviter, pour rester relativement sain d'esprit, de ne pas se laisser ronger par lui. Parfois, on se sent suffisamment fort pour lui tirer la langue, parfois, on rougit de honte devant lui. Quand on travaille un instrument (à la limite, quand on joue avec les mots, mais c'est un peu différent, du moins pour moi), on est confronté constamment à ce doute. Comment dois-je phraser? Qu'est-ce que je veux transmettre? Où est la très fine ligne entre la personnalité du compositeur et la mienne? Combien de moi suis-je prête à révéler à travers les sons d'un autre? Mais qu'a-t-il vraiment voulu dire?
Il peut être relativement facile quand on s’y attarde de lire derrière des mots mais les musiciens souhaitent avant tout toucher l’autre, le public, son double, à travers cet autre langage, celui qui vient chercher si loin, qui traverse autant qu'il libère, qui transporte, qui soutient, qui permet de transmettre d'infinies subtilités que les mots sont incapables de rendre. En musique comme en amour, il faut savoir lâcher prise, ne pas avoir peur de se perdre. Même quand on s'égare, on finit toujours par s'y retrouver.
6 commentaires:
Le doute (avec l'humilité) est certainement l'outil commun à tous les artistes.
En amour, par contre, je doute... Je veux bien qu'il faille lâcher prise parfois, comme en musique. Mais douter, en amour, n'est-ce pas plus destructeur que créatif ? Et d'ailleurs, l'amour se différencie de l'art par le fait qu'il n'a pas pour objet des sons, des couleurs ou des mots, mais des êtres sensibles. On ne manipule pas des êtres vivants comme des personnages de romans ou des notes sur une portée. Tu en doutes ?
Tu as tordu mon propos un peu plus que je ne l'ai voulu... J'ai simplement fait la comparaison entre la musique et l'amour dans le lâcher prise... Pas au sujet du doute... Le propos est entièrement artistique dans ce cas-ci. Chercherais-tu à me faire douter? ;-)
Non, je ne cherche pas à te faire douter. C'est simplement que si l'on me donne un mot, j'en mets cent à la suite. C'est le problème de l'écrivain. Et sans doute du musicien : saurais-tu te contenter de ne jouer qu'une seule note et d'aller vaquer à une autre occupation sans chercher à approfondir le sens de cette note par l'exploration des alentours ?
Belle réflexion sur l'art et la vie. Avec le temps j'ai constaté qu'on se révèle le plus lorsqu'on n'essaie plus de le faire...Quand tous les masques tombent et que l'on ne tente plus de prouver ou de contrôler quoi que ce soit.
coucou lucie. je pense un peu come michel. l'artiste est un messager, un facteur comme le disait Scelsi pour lui-même, et je pense comme toi que le lâcher-prise est de mise, et te révèle à toi-même à travers le message de celui qui écrit.
tiré d'une chanson que j'aime :
«Car si l'on doute, c'est qu'il y a un repère»
Kafka et les autres se seraient joints volontiers à ce forum.
Claudio
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