Redoutable Everest du pianiste, les Études-tableaux opus 39 se veulent cependant de petits poèmes symphoniques pour piano finement ciselés, miroirs de l’âme tourmentée de Rachmaninov. « Je n’aborde pas l’œuvre en tant qu’une série d’études, explique Alain Lefèvre. Chaque pièce est un tableau, une histoire. » Il considère que ce serait dénaturer leur essence que de les résumer en un sommet pyrotechnique. Pour y plonger, il est essentiel de créer un espace poétique, de l’investir, de le transmettre à l’auditeur. Dans une entrevue reproduite dans le Monthly Musical Record en novembre 1934, Rachmaninov explique d’ailleurs qu’un compositeur doit posséder deux qualités essentielles : « Premièrement, c’est l’imagination. Je ne veux pas affirmer par là que l’interprète n’a pas d’imagination. Mais on peut considérer que le compositeur possède un talent plus important, car avant de créer, il doit imaginer. Il imagine avec une telle force que dans sa conscience se crée la future composition avant même qu’une seule note ne soit écrite. [...] Le deuxième talent, plus important encore, qui distingue le compositeur de tous les autres musiciens, c’est le sens aigu de la couleur musicale. »
Pour Rachmaninov, la composition des Études-tableaux a présenté « plus de difficultés qu’une symphonie ou un concerto […] Dire ce qu’on a à dire, et le dire sans détours, lucidement, est encore le plus grand problème que puisse affronter un artiste créateur. » Si, dans la tradition des Études de Chopin ou des Études d’exécution transcendante de Liszt, chaque pièce s’attarde à des difficultés techniques spécifiques, Rachmaninov inscrit en filigrane un sous-texte qu’il a toujours refusé de révéler : « Ceci m’est personnel et ne concerne pas le public. Je ne crois pas qu’il faille qu’un artiste révèle trop ses images. Laissez le public imaginer ce que cela lui suggère. » Quand Ottorino Respighi orchestrera cinq de ces pièces pour le Boston Symphony Orchestra en 1930, Rachmaninov offrira pourtant « quelques explications concernant les mystères des intentions de l’auteur, qui vous aideront à comprendre le caractère de ces Études et de trouver les couleurs adéquates en les orchestrant. »
Alain Lefèvre lançait il y a quelques jours son dernier enregistrement, dédié aux Études-tableaux opus 39 mais aussi aux trop souvent oubliés Klavierstücke de Schubert. Vous pouvez accéder au CD ici (et télécharger certaines plages sur Archambaultzik) et lire mes notes de programme complètes. J'attends l'arrivée de ce disque dans ma boîte aux lettres avec impatience, je vous l'avouerai...
2 commentaires:
Je ne connais pas ces études mais comme j'aime beaucoup Rachmaninov, je vais aller écouter des extraits! :)
Bravo pour ton article, très intéressant!
Enregistrer un commentaire