Recueil puissant, Béante de Marie-Andrée Gill cristallise
l’absence, les déchirements, les regrets, la recherche d’identité, le
devoir de mémoire, la difficulté à s’ancrer – à s’encrer – dans une
réalité qui nous dépasse parfois. En ce sens, il se veut recueil
universel, bien qu’il soit signé d’une plume autochtone : c’est fou en dedans / on est tous de la même couleur.
La poète parle avec autant de raffinement des blessures amoureuses que de la lignée parfois trouble aux aïeuls : je
suis tous mes ancêtres en aléatoire / les esprits / dégoulinent / à
travers / les murmures / une trace de sang séché / que l’on grignote
encore / pour ne rien laisser derrière. Les images s’esquissent,
fortes mais refusant la facilité, tantôt lumineuses, tantôt ténues,
comme si elles s’extrayaient d’un feu, consumant la mémoire, grugeant
occasionnellement le quotidien : la vie avale lentement / les miracles dans les lignes / de ta main.
Quand elle évoque la relation avec l’être aimé, les mots deviennent
griffures, autant de rappels de ce qui a été, de ce qui ne pourra plus
être : la même mécanique des corps à la chaîne / chaque parole à détacher / une par une /arracher ton image jusqu’à l’amnésie.
Les termes semblent puisés à même un terreau fertile, qui a accueilli
les larmes, le sang, des générations précédentes. Comment se définir, se
redéfinir, alors que les questionnements se démultiplient, se
superposent au chant des tambours, aux livres d’histoire? Vivants, là, pou-poum.
Identitaire mais surtout intimiste, le recueil de Marie-Andrée Gill
se révèle d’abord par larges pans, puis à dose homéopathiques.
L’écriture ne peut-elle pas guérir de tout? J’ai trouvé à t’écrire une fois pour toutes / même si rien n’est plus et que tout est là.
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