Nous avons très rarement affaire à une voix, distincte, précise, unique; une voix que l’on reconnaît en quelques pages à peine, même si on ne l’a croisée qu’une seule fois auparavant, il y a sept ans de cela déjà. Katia Belkhodja indéniablement est de celles-là. Elle ne fait pas partie de ces romanciers interchangeables qui privilégient une approche formatée du récit. Au contraire, elle se révèle une auteure exigeante, pas tant dans le choix des termes que dans la manipulation même du fil narratif, le lecteur devant faire rapidement fi des codes qu’il considérait acquis pour adopter un rythme différent, sans se laisser démonter par une compréhension d’abord diffuse du propos. Il voudra peut-être reprendre sa lecture du début – la longueur s’y prête –, céder autrement à ces allégories relevant presque du mirage.
Froideur du désert autant que des étendues de glace, ville en mouvement constant qui déstabilise ses habitants, paroles qui ne réussissent jamais à s’affranchir, regards qui figent l’autre dans ses derniers retranchements; ici, temps et espace deviennent synonymes de flou, les images s’affrontent, portées par une langue à l’oralité trafiquée, qui multiplie les détournements, proche de l’incantation. Dans ce lieu fantasmé, on pend les absents, sectionne une part essentielle de soi pour résister à l’envahisseur, mais on continue de croire à la puissance de l’amour, de la vie.
« Peut-être qu’ils s’étaient consommés encore comme des desserts au chocolat avant de séparer leurs peaux l’une de l’autre, les peaux suantes qui refusent et qui finissent par obéir et par se décoller, lentement, avec la tentation, toujours, du raccrochage des peaux et des membres ensemble. »
On voudra assurément y retourner, s’y perdre, s’y découvrir autre.
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