dimanche 15 juillet 2012

Charlotte before Christ

Je l’admets ici : préjugés et a priori ont fortement teinté le contact établi avec ce premier roman d’Alexandre Soublière. Je me méfie de façon générale des battages médiatiques, des sacres instantanés (comment peut-on devenir « le » représentant d’une génération après un ouvrage?), des libertés prises impunément avec la langue (le franglais me fait légèrement grincer des dents). J’ai donc ouvert le livre avec une certaine réticence – pour ne pas dire une réticence certaine. Comment parvenir à entrer dans un univers aussi éclaté, souvent glauque, assurément postmoderne, à s’attacher suffisamment aux personnages pour souhaiter se couler dans leur ombre?

Quelques pages ont suffi pour que je réalise que j’étais complètement dupée. J’aurais voulu détester Sacha, ce gosse de riche qui dégaine la carte de crédit de son père à la moindre envie, se défonce pour oublier que son corps le lâche, désacralise la langue et l’art. Pourtant, l’amour fou, presque létal, qu’il ressent pour Charlotte a balayé mes dernières réticences d’un seul coup. « Elle dit qu’elle s’en fout, mais les cicatrices sur son cœur ont des formes bizarres », note Sacha. « Son regard est un drame biographique. Non, mieux encore : Charlotte, tes yeux sont un suicide. Elle laisse le temps la frapper. Un phare immobile devant les vagues. J’ai envie de la protéger. Je veux être le seul antidote », complète-t-il quelques paragraphes plus tard.   Que l’on fasse partie de la génération X ou Y importe peu ici, cette sensation de perte, d’abandon, de dissolution, nous avons tous rêvé un jour ou l’autre d’y céder, de nous y complaire, une semaine, un mois, une année.

Alexandre Soublière signe avec Charlotte before Christ une entrée remarquée en littérature, en sortant sciemment des sentiers balisés, en modelant la langue à une situation, la détournant, faisant fi des diktats. Saura-t-il se renouveler là où on ne l’attendra pas? On le souhaite.

Vous pouvez lire ce que d'autres collaborateurs ont pensé de cette Recrue du mois - et lire mon édito - ici...




2 commentaires:

Karine:) a dit…

Je dois vivre dans un monde alternatif... je n'en avais jamais entendu parler. Mais là, bien entendu, je suis tentée! Je vais essayer de le dénicher pour le mois québécois en septembre!

Lucie a dit…

Peut-être que la vague médiatique ne s'est pas rendue en région?
Idéal en effet pour septembre :)