Viscéral comme dans viscères, pas seulement au sens métaphysique du terme, car quelques nouvelles décrivent les moindres palpitations et tourments du corps de l'intérieur. Au fil des pages, on sent la sueur, les odeurs putrides, les bouleversements intestinaux ou psychologiques, on se fait jeter quelques pulsions en plein visage. Parfois, on a envie de détourner le regard, de se pincer le nez, mais certaines des images sont suffisamment puissantes pour qu'on s'accroche encore, qu'on veuille découvrir un autre univers, parfois d'une affligeante banalité, parfois chargé d'une certaine poésie.
« Blanche déraison qu'il possède et dépossède... On blanchit de l'argent, mais pas ses mains et son âme. On jette de la chaux sur les victimes des génocides pour éviter les odeurs fortes de putréfactions. Le sperme des violeurs est blanc. Leurs enfants doivent naître comme l'exige notre bon pape blanc inviolé. Les faibles sentent toujours plus fort, moins distingués, que les riches; ils n'ont pas la blancheur des désinfectants. »La galerie de personnages se révèle souvent particulièrement originale. On y découvre une grand-mère qui n'en peut plus de supporter l'apathie de son énorme petit-fils (« Porte close », impitoyable), un client qui fantasme rare quand il se rend chez le coiffeur (« Coconut Dandy », savoureux), une préposée qui s'attache à une patiente que tous considèrent dingue (« Alice », doux-amer, qui propose trois fins différentes), des grands-parents bouchers qui ne mènent pas une vie totalement ordinaire (« Sans l'ombre d'un doute, c'est permis », raconté avec une belle tendresse par la petite-fille). Certaines se veulent aussi de véritables petites bombes, comme « Le roman du désir », extrêmement troublant, ou « Mouvement à trois », qui pose un regard différent sur les questions africaines, mon coup de cœur (coup au cœur plutôt) incontestable.
Un recueil rempli d'aspérités, mais qui ne s'oublie certainement pas une fois le livre fermé.
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