jeudi 23 avril 2009

Sonate en fou mineur


Pascal est un compositeur arrivé à un point décisif de sa vie, tant créative que sentimentale. Jusque là, il a accumulé les petits boulots, incapable peut-être de faire face à la puissance du geste créateur, et il commence à s'impatienter: réussira-t-il à composer cette fameuse sonate qui l'habite, à reconquérir son ex, la belle Emmanuelle, qui a refait sa vie avec son meilleur ami, à enfin s'assumer entièrement en tant qu'homme et artiste?

Éloi Paré signe avec ce premier roman un essai plutôt convaincant, qui même s'il emprunte aux archétypes son personnage de compositeur tourmenté, sait lui insuffler une dose suffisante de bon sens et d'autodérision pour qu'on s'y attache. Mais cette sonate ne reprend pas les modèles classiques du genre (deux thèmes de caractère contrasté, qu'on retrouvera sous une forme ou une autre tout au long de l'oeuvre) mais plutôt selon la forme cyclique (une même idée, déstructurée, démultipliée, transformée). L'idée maîtresse - le leitmotiv si l'on souhaite poursuivre l'analogie musicale - serait plutôt la folie aux multiples visages: celle qui a poussé le bien nommé Tristan à pousser un geste inexplicable et d'une rare violence quand il avait 16 ans, celle qui habite un des amoureux plus que troublé de la belle Agathe, celle qu'on sent latente chez le psychiatre en chef de l'institut où travaille Pascal, celle de Rachel, l'intrigante qui souhaite devenir muse pour éventuellement s'approprier l'œuvre complétée, celle de la pureté aussi du geste créateur.

Certaines circonvolutions auraient pu être gommées, certains thèmes resserrés mais Paré réussit là où beaucoup auraient échoué. Le style reste alerte et fluide, malgré l'emploi du passé simple narratif qui, jamais ne s'essouffle ou semble forcé - sauf, bien sûr, quand l'auteur se moque gentiment du premier roman d'Agathe et de l'impossibilité patente d'y intégrer le dit passé simple. Les personnages sont bien campés et suffisamment nuancés (hormis Christophe, psychopathe assumé et volontairement dessiné à très gros traits) pour qu'on croit à cet univers pourtant assez inusité. Le lecteur se tapit avec intérêt dans l'ombre pour entendre les conversations que Tristan entretient avec Pascal lors de ses nuits d'insomnie. Il s'interroge aussi sur les limites d'un système médical sursaturé et d'une société instable, qui ne peuvent pas toujours faire la différence entre folie passagère et psychose dangereuse, entre thérapie et surmédication, entre les textes savants et la réalité vécue au quotidien. Un premier opus à la voix suffisamment originale pour qu'on en retienne le thème.

2 commentaires:

Karine :) a dit…

Je l'ai vu (et bien entendu noté) en quelque part, celui-là mais je ne sais plus du tout où. Musique et folie, ça pourrait me plaire, je crois!

Lucie a dit…

Avec le sous-thème musical (pas si présent), je me doute bien que tu l'avais noté!