Loin de la structure narrative linéaire, point de salut? Bien sûr que non, comme le démontrent plusieurs des ouvrages présentés dans notre édition courante de La Recrue du mois. En osant aborder l’écriture à quatre mains, déjà, nos deux auteurs « recrues » s’avançaient en terrain miné. Ils vont beaucoup plus loin, en choisissant de transposer de l’oral à l’écrit 37 secrets, bribes transmises par des inconnus, que quelques chanceux ont pu découvrir sous leur forme théâtralisée, au détour d’une rue, à Québec en 2009.
En parcourant ces pages, certaines délicatement ciselées, d’autres d’une banalité pourtant émouvante, j’ai réalisé, une fois encore, combien nous vivions dans des univers en apparence parallèles, qui toutefois se percutent au hasard des rencontres. « Je rêve d’être Modigliani. Je rêve d’être Musset. D’être Feydeau. Je rêve d’être Baudelaire. D’être Rimbaud », confie le narrateur de « Modigliani ». Peut-être, mais en restant incarné dans le 21e siècle, pleinement conscient que la littérature demeure un langage vibrant, en évolution, qui a besoin de puiser dans le sol qui l’entoure pour se nourrir, se renouveler, dire autrement, pousser le lecteur à la réflexion. L’écriture ne se veut-elle pas au fond un partage; de soi, de l’autre, de l’imaginaire? « Et j’écris comme je tombe amoureuse : en secret. En cachette », admet elle-même Véronique Côté dans ses réponses à notre questionnaire. « Je me dévoile toujours énormément quand j’écris », répond Steve Gagnon en écho.
Comme Côté et Gagnon, Denise Boucher vient du théâtre et ose signer, à presque 80 ans, un premier ouvrage de fiction « drôle, attendrissant, pas du tout politiquement correct » avance Christine Champagne, Au beau milieu, la fin. La théâtralité est inscrite aussi au cœur même du deuxième roman de Jean-François Caron (notre recrue d’octobre 2010), Rose brouillard, le film. Dans La romance des ogres, Stéphane Choquette propose lui aussi une narration fragmentée, entre réel et rêve, passé et présent, qui intègre de plus avec succès correspondance et fable. Souvenirs tronqués et libertés de style sont également au menu dans Mémoires d’une enfant manquée et L’épingle à chapeau, alors que nos deux autres repêchages abordent les univers diamétralement opposés du hockey (Sainte Flanelle, gagnez pour nous!) et des jeux de pouvoir universitaires (Quand j’en aurai fini avec toi, titre en triste écho au conflit étudiant qui perdure).
Moyen idéal pour fragmenter le vécu en parcelles, la poésie continue de nous rejoindre. Le dormeur accompagné de son ombre blanche de Jean-François Bernier « déconcerte et se lit à petites doses, question de se laisser glisser dans ces rêves et des les épurer pour n’en laisser qu’une voix », souligne notre chroniqueur Nicolas Dawson. Une voix parmi les autres…
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