vendredi 10 août 2012

L'amour n'est rien

J'ai encore des souvenirs très vifs de La gueule du loup, premier roman de Nadia Gosselin, conte de fées postmoderne dans lequel la belle devenait la bête et le loup se transformait en agneau, coup du destin oblige. J'ai offert le livre, ai presque regretté d'avoir partagé mon exemplaire avec une autre, tant j'avais envie d'en relire quelques pages après avoir refermé L'amour n'est rien. L'entrepôt du livre numérique m'a permis de retrouver le premier chapitre en ligne et le rêve qui se fracasse, l'impression de huis-clos, le malaise insidieux, sont revenus d'un seul coup. Je n'avais donc pas idéalisé cette lecture, qui date pourtant de près de quatre ans (mon commentaire d'alors ici).

Alors pourquoi la magie a-t-elle moins fonctionné avec ce deuxième roman? Je me suis interrogée pendant quelques semaines avant d'enfin réussir à mettre le doigt dessus car, en principe, ce roman, entre journal intime et roman épistolaire (les chapitres alternant d'une narration au je et au tu) possédaient tous les ingrédients pour me plaire: une relation amoureuse que l'on comprend condamnée dès le début, une écriture féminine assumée, l'utilisation de fragments qui deviennent autant de miroirs réfléchissants d'un kaléidoscope, déformant le propos au passage - mais peut-on jamais être objectif en amour?

Ils se sont connus il y a 20 ans, ils se retrouvent au détour de la vie, libres de liens amoureux, bien que lui soit au milieu d'un divorce houleux, la garde des enfants et le lieu de résidence devenant des enjeux impossibles à ignorer. Elle le rencontre donc parfois chez lui, dans une chambre d'hôtel, curieusement jamais chez elle, les corps se désirant puis s'apaisant, sans que l'on sente réellement la puissance de leur passion amoureuse. L'auteure aurait-elle pu - dû - plonger plus profondément au cœur même de ce désir, de ce délire? On attend la morsure, la déchirure qui fracasse tout, mais Gosselin joue plutôt la carte d'abord de la valse-hésitation, puis de l'effritement du sentiment. La narratrice n'affirme-t-elle pas « Quant à moi, je crains de plus en plus la nature de ces sentiments qui nous lient l’un à l’autre. Car moi aussi, Camil, j’ai peur de cet amour qui me domine et me bouscule. Par moment, je voudrais pouvoir te dire que je t’aime, mais… les mots se morcellent dans ma gorge dès que je tente de les prononcer »? On réalise bientôt que cet amour, comme tant d'autres, n'était pas assez fort pour repousser les assauts du quotidien: l'éloignement, les questionnements, les sollicitations d'autres partenaires, l'appel de la paternité, une certaine lassitude.

Au fond, la midinette en moi (que je musèle le plus souvent) aurait aimé un amour littéraire, qui brûle tout sur son passage, plus puissant que la mort, même si (surtout si) la chute devait s'avérer vertigineuse (ce que Martine Delvaux a réussi fort adroitement dans Les cascadeurs de l'amour n'ont pas droit au doublage). « L’amour avec un grand A ne sera peut-être jamais pour moi que fiction », résume la narratrice. Voilà tout le nœud du problème au fond: j'aurais aimé pouvoir croire le contraire quelques instants.

4 commentaires:

Venise a dit…

Finalement, tu es tout, Lucie, sauf un tempérament tempéré !

On va se suivre à la queue leu-leu puisque je devrais le commenter demain... hi hi !

Lucie a dit…

C'est vrai que je suis pas du tout tempérée... mais j'essaie que mon clavier le soit! :)
Je n'y réussis pas toujours...
J'ai bien hâte de lire ton point de vue sur ce livre.

Karine:) a dit…

Tu me donnes envie de lire son premier roman... c'est tout à fait le genre de truc qui pourrait me plaire.

Lucie a dit…

Je recommande le premier presque sans réserve :)