lundi 13 août 2012

Ravel vu par Fargue

Je dois rédiger des notes à écrire pour un programme Debussy, Britten et Ravel cette semaine et, lors de ma dernière escapade à la Bibliothèque nationale, je n'ai pu résister à l'attrait d'un bel objet, Maurice Ravel de Léon-Paul Fargue, paru aux Éditions Fata Morgana, l'un de 600 exemplaires sur vélin ivoire achevés d'imprimer en janvier 2008. (L'original a été publié en 1949.) Je me doutais bien que, côté musicologique, l'offrande serait maigre, mais j'espérais pouvoir entrer autrement dans l'intimité du compositeur, grâce au regard forcément biaisé d'un ami cher.

Je n'ai certes pas été déçue. Impossible de refermer ce petit ouvrage, tant l'affection qu'il porte à Ravel est perceptible, tant il juge essentiel de le présenter autrement. Quel contraste avec le portrait ciselé mais froid qu'en avait tiré Echenoz il y a quelques années!  
« Dans son œuvre se marient tout l’univers sensible et tous les états de l’âme, mais cette matière bouillonnante il la discipline, il la modèle suivant un style. C’est un merveilleux ouvrier de l’instrumentation. La logique de Descartes, l’ordre de Le Nôtre, la rigueur d’Ingres et aussi la grâce française qui baigner leurs constructions, Ravel les prolonge et les renouvelle dans le domaine si malléable, illimité, de la musique. »

Bien sûr, quelques pages importantes de l'imposant testament du compositeur y sont abordées, mais en surface. On retiendra plutôt le goût de Ravel pour les beaux objets, les vêtements soignés, sa fidélité - non dépourvue d'une certaine exigence - en amitié, mais aussi sa constante recherche de la perfection. « Comme Hukosaï était fou de dessin, Ravel était de fou de perfection. Il n’a laissé sortir en public que des choses achevées, parfaites comme des beaux objets, joyaux, ivoires chinois, laques. » On entendra derrière la grande la petite musique d'une vie d'artisan, consacrée à une maîtresse exigeante.« Puis il s’endormit pour toujours. Ce deuil de la musique française fut partagé par le monde entier. Il dure encore. Après la mort de quelques hommes le soleil n’est plus jamais, pour nous, tout à fait le soleil. »

Troublante résonance de lire ces lignes moins de 24 heures après avoir appris le décès de l'auteure-compositeure-interprète Ève Cournoyer... Difficile de ne pas lire autrement certains vers de Tout arrive. « Tout arrive à qui sait attendre. Rien ne peut anéantir quelqu'un autant que de voir ses rêves s'envoler en poussière. » Je regretterai de ne pas avoir pris le temps d'écouter sa voix avant.  


Voici également Mon bel espoir, tourné à Paris.

5 commentaires:

Danalyia a dit…

"le goût de Ravel pour les beaux objets" j'ai pu le constater dans sa maison de Montfort l'Amaury. Quelle émotion de la visiter !

http://videos.tf1.fr/jt-13h/montfort-l-amaury-l-ame-de-maurice-ravel-6832277.html

Lucie a dit…

Quelle belle vidéo! Je me disais justement en refermant le livre que j'aimerais bien la visiter. La prochaine fois peut-être...

Karine:) a dit…

Très très tentant... bon, peut-être que je ne choisirais pas une telle édition, par contre.

Anne a dit…

Voilà qui m'intéresse énormément ! Le compositeur, l'objet livre, l'écriture de Fargues... Je le note !

Lucie a dit…

Karine: Tu pourrais peut-être trouver l'ancienne édition dans une bouquinerie... sinon, il est disponible à la FNAC pour 12 euro quelque, dans cette édition :)

Anne: il a aussi écrit un livre sur Rilke. Je vais essayer de le trouver! J'ai beaucoup aimé son écriture moi aussi!