Le regard. Celui que l'on pose sur l'autre, mais aussi sur soi. Celui que l'autre pose sur nous surtout. Étrange synchronisme, deux spectacles à l'affiche ces jours-ci proposent une réflexion sur le sujet.
Selfie s'attarde sur la mise en scène du soi,
Je te vois me regarder se veut plutôt une réflexion, volontiers socratique, sur la femme d'aujourd'hui.
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Photo: Guillaume Levasseur |
Dans les deux cas, on a droit à une succession de tableaux, à des projections, à un mariage entre danse et théâtre, à une écriture collective, à certains moments volontiers vulgaires. Pourtant, alors que
Selfie semble inachevé et tombe volontiers dans une certaine complaisance, on ne peut que saluer le travail de Bye Bye Princesse et la justesse du ton adopté par Mylène Mackay et Victoria Diamond, à la fois interprètes et auteures.
Je te vois me regarder peut se lire comme le prolongement naturel d'
Elles XXx, présenté à La Chapelle l'année dernière. Au cri primal, à la révolte, succède non pas la sérénité - loin s'en faut -, mais une véritable introspection qui permet de débouter, parfois de façon très humoristique (la séance de gymnastique faciale que nous offre Mylène Mackay devient une pièce d'anthologie), parfois de façon tragique (le décompte des calories d'une anorexique, transmis avec brio par le jeu distancié de Victoria Diamond), les mythes entourant la féminité et le féminisme.
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Photo: Guillaume Levasseur |
La femme n'est-elle encore bonne qu'à nettoyer (délirantes séquences de mouvements chorégraphiés par Manon Oligny) ou à se faire traiter de salope (par un homme, par un(e) réalisateur(trice) de films porno)? A-t-on encore le droit de penser à soi, d'ébaucher des rêves qui nous sont propres plutôt que de ne
« penser à rien » et à se retrouver avec une liste de
« je devrais
»? La flatterie et les bassesses font-elles toujours partie de notre attirail de survie (brillante vidéo nous montrant les deux actrices en train de se maquiller suivie d'un passage dans le « réel
» )? Jusqu'où doit-on militer en tant que féministe?
La parole au féminin est bien présente sur nos scènes - on peut évoquer ici
J'accuse d'Annick Lefebvre, mais aussi
S'apparteni(e), en ouverture du Festival du Jamais lu - et c'est tant mieux. En cette période de marasme et d'intolérance, on ne peut que saluer une prise de position telle celle de Bye Bye Princesse. On souhaite longue vie à la jeune compagnie.
Jusqu'au 9 mai seulement
à La Chapelle
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