Un
après-midi paresseux d'été, quand le temps oscille au gré du vent et des
vaguelettes dansées par les pieds qui clapotent dans l'étang. Les citadins ont
pris possession du parc Lafontaine, l'utilisent pour échanger, lire, dormir,
oublier qu'à quelques dizaines de mètres à peine, la métropole continue à
s'agiter frénétiquement.
Ils sont deux, qui se retrouvent enfin, exaltés par l'instant. Ils rigolent
comme des adolescents en contemplant cette dame d'un âge certain qui semble
vouloir apprivoiser un des canards placides, s'attendrissent quand le chien
attend patiemment que sa balle revienne près du bord. Il glousse quand le petit
homme se lève du banc qui l'accueillait et fonce vers un ailleurs d'une
démarche chaloupée de top-modèle. Elle remarque le vieillard en chaise
roulante, vêtu de l'horrible chemise de nuit verte, en permission, qui fait le
tour du parc le sourire aux lèvres avant de retrouver lumière glauque et
couloirs javellisés.
Les minutes se sont liquéfiées en heures avant que l'appel du glacier ne se
fasse plus pressant. Ils reprennent le sentier quand, hypnotisés par le son
d'une suite pour violoncelle de Bach, ils bifurquent. L'instrumentiste est
assis sur un banc, son reflet se fondant dans l'onde alors que les notes
s'effilochent dans la douceur d'une fin d'après-midi. À ses côtés, en apparence
immobile, un badaud écoute, dans une pose qui rappelle les vases grecs anciens.
Il n'ose troubler le fil de l'inspiration mais, de temps en temps, son corps
oscille très légèrement au son de ces danses oubliées. De l'autre côté de
l'étang, ils écoutent, ils observent. Les relents de musique les enveloppent, se
fichent profondément en eux. En silence, ils reprennent la route.
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