mercredi 12 août 2015

Quelques pas dans l'éternité

« Plus le temps passe et plus je me persuade qu’écrire équivaut pour une bonne part à chanter. Les livres dont je me rappellerai seront ceux qui m’ont bercé. Tous les autres sont oubliables, parce que je ne parviens pas à en retrouver le refrain. » 
Jean-François Beauchemin est sans aucun doute un auteur dont on se rappelle la voix, la petite musique. Se concentrant sur l'émotion plutôt que sur le geste, sur l'observation plutôt que l'action, il plonge en lui-même - et en nous-même par extension - comme peu acceptent de le faire, avec une simplicité indéniable, avec une délicatesse innée, mû par une quête constante non pas de la vérité, mais du sens.
« Écrire m’a en quelque sorte sauvé de Dieu, puisque je me suis aperçu que je disposais avec les mots de tout ce dont j’avais besoin pour m’apaiser, me recueillir, me donner de l’espoir et surtout pour donner un sens à ce monde qui en lui-même n’en a pas. » 
Dans Quelques pas dans l'éternité, il nous offre le rare privilège de l'accompagner pendant un an, au jour le jour ou presque, alors qu'il consigne dans son journal non pas tant son quotidien (ses trois ou quatre pages écrites chaque matin dans son bureau, ses promenades avec son chien, ses conversations avec la douce Manon qu'il aime comme au premier jour, le passage de ses amis) que des réflexions sur le geste même d'écrire, sur la société qui est la nôtre (dont il a choisi volontairement de se retirer en habitant à la campagne), sur sa quête d'une spiritualité distincte de la religion, sur le travail de ses confrères, sur la cohabitation entre vie et mort.

Une lecture qui nous force à arrêter le temps, à relire certaines phrases, mais aussi à fermer ce cadeau, histoire de mieux plonger dans le monde qui nous entoure, sentir le pouls de cette vie en constante évolution, de notre être en perpétuelle mutation.
« Je ne veux pas dire que la vie réelle est dans les livres; elle n’y est pas. Ce qu’on y aperçoit, c’est son ombre, ou son souvenir. Mais cette ombre et ce souvenir doivent y être en entier, et ce n’est pas en s’éloignant des jardins, en détournant le regard des étoiles lointaines ou en oubliant d’aller à la rencontre des hommes que l’écrivain parviendra le mieux à dresser ce fuyant portrait. » 

1 commentaire:

Suzanne a dit…

Billet beau et tentateur, extraits magnifiques; alors il me le faut tout simplement.