lundi 26 novembre 2012

Danser a capella

Quelques semaines après la sortie de son deuxième roman Javotte, Simon Boulerice revient à ses premières amours, le théâtre, et propose Danser a capella, sept monologues, non conçus comme une entité, mais qui, assemblés, entrent en résonance étonnante, comme autant de notes d'une gamme un peu disjonctée. Une fois encore, on y retrouve des personnages d'enfants qui n'ont pas su (ou voulu) grandir: Ambroise qui, hier, rêvait d'attirer l'attention en saignant du nez et qui, aujourd'hui, est prêt à toutes les bassesses pour que quelqu'un l'aime, ne serait-ce qu'un instant, Julie qui, pour être invitée à l'émission Parcelles de soleil, va jusqu'à perdre la vue, cette coureuse en talons hauts qui pète les plombs au fil d'arrivée, déchirée par son amour à sens unique ou encore Gloria, qui a toujours rêvé de patiner sur sa chanson-thème (hit de Laura Branigan) et détourne la représentation annuelle de la crèche vivante de son quartier. Il y a aussi Simon, alter ego de l'auteur qui plonge ici dans l'autofiction, celui qui a toujours aimé danser, qui évoque sa mue catastrophique à l'église, à l'âge où Whitney Houston réalise malgré elle que sa voie est tracée, le même (14 ans) qu'avait Mozart quand il a recopié de mémoire le Miserere d'Allegri, entendu à la Chapelle Sixtine.

« Un jour, en avril 1770, un homme emmena son fils de quatorze ans à la chapelle Sixtine. On  y chantait le célèbre Miserere, de Gregorio Allegri. L’enfant était ému. Il retenait chaque note, et chaque silence. Toute la musique se gravait dans sa tête. Le soir, il note de mémoire la partition complète du Miserere d’Allegri. Quelques années plus tard, on perdit les partitions originales d’Allegri. On n’eut pas d’autres choix que d’avoir recourt au garçon qui avait tout noté de mémoire. On utilisa ses partitions pour que l’œuvre d’Allegri ne sombre pas dans l’oubli. Ce garçon s’appelait Wolfgang Amadeus Mozart. »
Tout au long du recueil, la musique sert de pulsation, de moteur, d'élément déclencheur, qui mène le protagoniste à poser des gestes extrêmes, à briller, ne serait-ce qu'une seconde, au firmament des stars. Qu'il danse tout son saoul lors d'une soirée d'Halloween en écoutant son iPod Shuffle pendant que les autres se meuvent au rythme d'une autre pièce, qu'il se laisse renverser par la beauté pure du geste en regardant Margie Gillis, qu'il pleure du sang en écoutant All I want for Christmas is you de Mariah Carey importe peu au fond. Le lecteur adopte spontanément les personnages car, n'avons-nous pas tous eu l'impression, un jour ou l'autre, d'être les seuls à danser (avancer, penser) sur un rythme autre?

On peut entendre Simon Boulerice dans un extrait du monologue « Danser a cappella » ici...

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