lundi 19 août 2013

Dans la cage

Un chasseur. Une proie. Dans le ventre de la nuit, le premier s’avance, le corps et le sexe bandés. Il reste d’abord en périphérie, jauge l’offre, prévoit les paroles et les gestes qui précipiteront le butin du jour dans ses rets. Un trait de Jameson, une ligne de coke, pour se donner une contenance, et puis, implacable, on resserre l’étau.
Envie de le mordre.
Envie de lui faire mal tellement il est beau.
Apprivoiser le gibier, lentement.
Coller le nez dans le cou de la proie, juste sous l’oreille gauche.
Fermer les yeux et inspirer profondément.
La course contre la montre, contre la mort, est amorcée. La violence fera partie de l’équation, afin d’exacerber les pulsions, mais aussi les douleurs enfouies.
Érection.
Dégoût.
Larmes qui se mélangent au sang sur les joues.
Respirer.
Gémir.
Respirer, lentement.
Toucher le fond.
Dans ce premier roman explosif, tout est question de rythme. Mathieu Leroux vient du monde du théâtre (il a notamment signé la pièce Scrap en 2012 et collaboré à la magnifique production des Atrides, présentée au printemps dernier) et cela se sent – s’entend – dès les premières phrases coup de poing. Comprenant bien l’inutilité de hurler son propos du début à la fin, il fait alterner avec brio les scènes en « Extérieur » (certaines « XXXtérieur ») et celles en « Intérieur ». Chaque geste du narrateur semble mesuré, analysé, maîtrisé. Seule façon peut-être de tenir à distance le souvenir de l’abandon de l’être aimé, les larmes d’Hedda Gabbler, la mère, le dégoût qu’il ressent pour son frère, l’autre-fils, incapable de résister aux attaques du VIH, « Virus Infiniment Homosexuel  »,« trois petites lettres qui prennent une ampleur fulgurante quand elles sont jumelées ». En écho, chaque phrase de l’auteur se révèle précisément calibrée, bombe à fragmentation qui éclate en mille parcelles dans l’esprit du lecteur, le force à contempler, les yeux grands ouverts, un univers trop souvent considéré tabou. Une lecture dont on ne sortira pas entièrement indemne… et c’est tant mieux.


2 commentaires:

Anne a dit…

Un univers original à explorer, donc. J'imagine que tu seras intéressée par le roman suivant,s'il y en a un.

Lucie a dit…

Je le suivrai aussi comme dramaturge, assurément.