Les Correspondances d'Eastman en étaient à leur 11e édition cette année. J'en avais beaucoup entendu parler, notamment à travers
Venise, ambassadrice hors pair de l'événement, mais le calendrier de vacances m'avait empêchée jusqu'à samedi de découvrir l'événement.
Topinambulle et moi n'avons pas fréquenté les chambres d'écriture installées un peu partout sur le site, mais nous avons néanmoins pu tâter le pouls des différents ancrages du festival. Première surprise: l'événement respire encore. J'avais craint que sa popularité donne l'impression d'un troupeau se déplaçant d'un point à l'autre. Pas du tout! Grâce à la navette, on pouvait aussi bien participer aux Cafés littéraires à la nouvellement installée Terrasse Québécor (à côté du Cabaret d'Eastman) que fouiner à la tente Archambault, découvrir quelques performances inusitées au Chapiteau MAtv ou jeter un coup d'oeil au Salon des artisans. Nous avons malheureusement raté l'exposition « Rouge comme un printemps » du photoreporter Jacques Nadeau à la bibliothèque.
Nous avions décidé de nous offrir un triplé: trois cafés littéraires abordant tour à tour l'univers du théâtre (une passion commune), de la transmission de la parole (notamment poétique) et des blogues (un sujet que nous maîtrisions également toutes les deux).
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Sébastien Diaz et Michel-Marc Bouchard (Photo: Lucie Renaud) |
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Le grand entretien avec Michel Marc Bouchard restera un événement qui s'inscrira dans les mémoires. En conversation avec un Sébastien Diaz particulièrement bien préparé, le dramaturge a aussi bien évoqué la genèse de son envie de dire (prolongement naturel de soirées où les conteuses captivaient les autres membres de la famille) que son rapport à la région, à l'homosexualité (« A-t-on jamais affirmé que
Roméo et Juliette était une grande pièce hétérosexuelle? », a-t-il relevé avec raison) ou son processus de travail, qui s'échelonne en moyenne sur une période de deux ans.
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Photo: Lucie Renaud |
La comédienne Bianca Gervais a lu avec une belle intensité quatre extraits ciblés de pièces de Bouchard, portrait protéiforme de cet univers si particulier. On a ainsi pu plonger dans
Les manuscrits du déluge (sur la petite mémoire, accumulation des histoires que chacun accumule),
Le voyage du couronnement (un troublant pamphlet jeté à la tête du gouvernement canadien, qui nous a caché les détails du débarquement de Dieppe),
Tom à la ferme (sur le vol du deuil, adapté au cinéma par Xavier Dolan, film présenté à la Mostra de Venise, dont la sortie est prévue cet automne) et
Christine, la reine garçon (sa dernière pièce montée au TNM, d'une beauté à couper le souffle).
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Bianca Gervais (Photo: Lucie Renaud) |
Difficile ensuite de se vider entièrement la tête et le cœur pour apprécier à sa juste mesure « L'héritage de la parole », une conversation plutôt complice entre l'animateur Tristan Malavoy-Racine, la dramaturge Évelyne de la Chenelière et le chanteur Thomas Hellman (papa depuis deux semaines). Il aura été question de poésie, particulièrement de celle de Roland Giguère, décédé il y a presque 10 ans (le 17 août 2003), mais aussi du rôle des passeurs, qu'ils soient professeurs, traducteurs, parents, amis. Une professeure à la retraite a d'ailleurs livré un témoignage particulièrement émouvant, avouant qu'au cours de sa carrière, elle avait constamment mis dans les mains des enfants des romans, des bandes dessinées, mais jamais de poésie. Elle se propose d'ailleurs d'en offrir lors de la prochaine campagne « La lecture en cadeau ».
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Quelques instants avant le deuxième café, les trois participants, en compagnie de la présidente Francine Grégoire (Photo: Lucie Renaud) |
Nous avons ensuite oscillé entre fou rire et moments de troublante intimité avec « Bla bla blogue », qui mettait en vedette
Catherine Voyer-Léger (notamment ancienne rédactrice en chef de
La Recrue du mois), blogueuse assumée, particulièrement active sur les médias sociaux, et Caroline Allard, mieux connue sous le nom de
Mère indigne. Les deux jeunes femmes ont notamment réfléchi sur la différence entre anecdote et expérience, sur le positionnement délicat de la frontière entre intime et extime (Caroline Allard a d'ailleurs souligné qu'à un certain moment, elle regardait sa famille vivre avec l’œil de l'entomologiste, espérant pouvoir en extraire du « matériel »), sur la reconnaissance du lectorat, mais aussi sur le danger d'y céder entièrement.
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Catherine Voyer-Léger et Caroline Allard (photo: Lucie Renaud) |
À la question « Y retournerons-nous? », je réponds: « Assurément!»
10 commentaires:
Oh les photos sont jolies ! Merci pour cette belle journée, Lucie :)
Je repasse encore le grand entretien avec Michel Marc Bouchard dans ma tête...un grand moment !
On y retournera, hein? ;)
Oh oui, certainement :)
Quel reportage sympa!
Je peux vous accompagner l'an prochain?
Bien sûr!
Que tu fais bien les choses, Lucie. Tu nommes, tu places, tu situes, tu retires de l'essentiel, et en plus, tu fais de sacrées belles photos.
(As-tu des défauts ?).
Le mien tarde, on dirait que je me mets de la pression, je veux trop bien faire. Je voudrais transmettre le moment intact. C'est pas possible. Mais n'empêche, quand nous irons l'an prochain, j'apporterai un petit carnet pour les mots clés.
J'ai bien sûr des défauts, mais chut... ;)
Peu importe quand il sera publié, je lirai ton billet sur les Correspondances avec plaisir.
Très beau triplé, à ce que je constate!
Ma seule expérience aux Correspondances demeure un souvenir extraordinaire. J'avais adoré ce moment hors du temps, plongé dans l'écriture, la littérature.
J'espère que j'y retournerai...
Qui sait? On s'y rencontrera peut-être!
Merci pour ton compte-rendu, Lucie!
Ce serait chouette de s'y retrouver!
Je ne doutais pas une seconde que tu aimerais cette visite à Eastman !
Cela fait 3 ans que je n'y suis pas allée et cela me manque énormément. J'espère que l'an prochain, je pourrai être de la partie.
Bises et bon dimanche !
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