dimanche 22 septembre 2013

L'amant du lac

Peintre de formation, Virginie Pésémapéo Bordeleau a participé à de nombreuses expositions, tant au Canada qu'à l'étranger. Elle est aussi devenue poète, puis romancière avec Ourse bleue (paru en 2007). Dans son deuxième roman, L'amant du lac, elle plonge dans l'érotisme, mais un érotisme qui ne ressemble à aucune des images qu'un lecteur blanc pourrait avoir. Ici, pas de vulgarité, peu de langage cru. Un propos organique plutôt, une série de gestes naturels qui s'enchaînent, parfois certes nommés sans détour, mais jamais de façon gratuite.
« Son ventre brûlait d’un désir véhément depuis sa rencontre avec le métis. Il cognait dans ses veines, grimpait le long de ses jambes, palpitant dans la chair de ses cuisses pour se cramponner à son sexe comme une main de miel. »
Cet appel des corps, entre Wabougouni l'Algonquine et Gabriel le métis relève de l'évidence. Elle le voit, sa présence la bouleverse. Il accepte l'offrande, y participe. Elle le sait de passage, comprend parfaitement que sa propre situation n'est pas simple (elle attend déjà un enfant d'un autre), que son passé demeure chargé, mais le désir devient maître et les deux corps établiront un dialogue dans une langue autre, qui ne peut être entièrement comprise, assumée, que par eux deux. Le lac Abitibi abritera leur secret, mais permettra aussi à cet amour de s'inscrire dans un lieu, dans une douleur aussi, celle de l'absence, même si acceptée dès la première caresse.
« Puis, malgré elle, les pensées de Wabougouni se dirigèrent vers les lendemains sans lui, quand son lit serait un désert, plein de son absence, de son silence, vide de ses mains, de sa bouche, de son sexe, de la plénitude de son corps. »
On parle beaucoup de réappropriation du soi, de recherche d'avenues afin que les Premières nations puissent exprimer autrement leur douleur envers le vol du territoire et la perte d'identité. Cette réconciliation s'inscrit sans doute en partie dans la parole, mais une parole autre, incarnée, plus proche de la nature, qui nous en apprend autant sur eux que sur nous quand elle est partagée.
« Il eut l’horrible impression de fuir, de perdre quelque chose qu’il ne retrouverait jamais. Le sentiment d’être pleinement vivant. »




2 commentaires:

Lili a dit…

J'ai découvert et beaucoup aimé cette auteure cet été avec "Ourse bleue". J'aime beaucoup ce que tu dis sur l'expression d'une écriture incarnée, proche de la nature comme opportunité d'une réappropriation identitaire. C'est tout à fait ce que je ressens de la littérature amérindienne. Je note ce titre !

Lucie a dit…

Je lirai assurément son premier roman et sans doute ses poèmes. Sa voix m'a beaucoup plu.