Perdre un enfant : certainement la douleur la plus
poignante imaginable. Est-il plus facile de se détacher de cet être sur lequel
tant d’espoirs étaient fondés s’il nous quitte dans les dernières semaines de
grossesse? Comment un parent peut-il survivre à ce vol sournois de souvenirs
tangibles, à cette succession de gestes infimes qui finissent par définir les
liens que nous entretenons? « … je
vois des femmes enceintes qui auront droit à ce bonheur avant moi, qui ont commencé
à écrire l’histoire de leur famille. J’ai perdu ma place dans l’ordre des
choses. J’ai l’impression d’avoir manqué ma sortie sur l’autoroute. »
Souhaitant transcender la douleur ressentie lors du décès
d’un premier enfant, Marilou Bourassa s’est jetée dans l’écriture de fiction,
pour nommer la tristesse, mais aussi faire la lumière sur un sujet encore
tabou, l’interruption médicale de grossesse.
« N’espérez pas amener de tels sujets sur la place publique, Chloé. La
mort révolte. Vous effrayeriez bien trop de parents pour le que peu que vous
éduqueriez », fait d’ailleurs dire l’auteure à Nistor, qui a perdu un
fils dans un accident, mais ne s’en est toujours pas remis.
Chloé tente de comprendre, de se reconstruire, à coups de
rencontres, aussi bien avec des spécialistes que des étrangers : un
itinérant, Nistor le pêcheur, un locateur de chiens. Ces deux derniers
personnages ainsi que la petite nièce de Chloé se révèlent d’ailleurs
particulièrement attachants. La mère éplorée doit aussi redéfinir le lien qui
l’unit au père de ce bébé trop tôt disparu. Le texte, fluide, s’articule
essentiellement autour de dialogues, le rapprochant de la maïeutique socratique
(l’« art d’accoucher les esprits » après tout). Malheureusement, le
fait que chaque chapitre aborde un thème en particulier alourdit la lecture et
transforme le livre en ouvrage presque spécialisé par moments (la rencontre
avec le médecin) et à d’autres en traité de spiritualité (celle avec le
célébrant). Pourtant, l’auteure sait maintenir son lecteur en haleine, comme
elle le démontre aisément dans le prologue, dans lequel elle raconte son
histoire, segment qui m’a entièrement happée.
Malgré ces réserves, on ne peut que saluer le fait qu’un tel
ouvrage existe maintenant. Combien de parents, d’amis touchés par cette
situation difficile, auraient souhaité pouvoir se plonger dans de telles pages
quand ils ont dû faire face à cette terrible situation?
3 commentaires:
Pas facile d'écrire sur un sujet aussi difficile !
Le sujet semble vraiment dur, et le fait que ça devient plus autre chose qu'un roman va me faire reculer, je pense...
Anne: En effet! C'est quand même incroyable que l'auteure ait pu le faire.
Karine: Ce n'est vraiment pas pour tout le monde, c'est clair...
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