Le temps passe, mais ne s’arrête pas. Le regard fixé vers l’avant,
Lorraine Vaillancourt, directrice artistique et fondatrice du NEM a quand même
souhaité proposer une saison anniversaire protéiforme, qui reprend certains
classiques, mais permet aussi au public montréalais de s’ouvrir à d’autres
univers, dans des lieux multiples. Quand elle a mis sur pied l’ensemble, elle n’avait
pas alors considéré la possibilité que celui s’inscrive dans une telle durée.
Elle souhaitait plutôt offrir à des musiciens intéressés par le nouveau répertoire
et certaines œuvres phares de la deuxième moitié du 20e siècle le
luxe de les travailler en profondeur, de servir les compositeurs. « Les
musiciens du NEM sont des gens modestes, explique la chef d’orchestre en
entrevue, qui acceptent de mettre la musique de l’avant, de se fragiliser, de
chercher aussi. En voyant une montagne, ils auront envie de la monter, de
trouver un moyen pour y parvenir. Il faut avoir envie de relever le défi, de se
frotter les mains et non de baisser les bras. »
Cette cohésion palpable entre les membres, plus chambristes
que simples instrumentistes, a rapidement permis au NEM de se démarquer sur la
scène internationale, notamment à travers les tournées. Dans une volonté d’ouverture
du répertoire, mais aussi de soutien à la relève, se grefferont le Forum des
jeunes compositeurs, événement biannuel existant depuis 1991, ainsi que les
Rencontres de musique nouvelle, devenues un incontournable estival au Domaine
Forget.
Pour Vaillancourt, il demeure essentiel de changer les
habitudes d’écoute, de favoriser un « élitisme pour tous » plutôt qu’un
nivellement vers le bas. « Cela n’empêche pas de vouloir parler aux gens;
la musique contemporaine s’adresse à tout le monde », rappelle
Vaillancourt qui se dit consciente que la musique reste un art abstrait, moins
facile à appréhender pour plusieurs, alors que la danse et l’art contemporains rallient
plus facilement les suffrages. « C’est difficile de briser les stéréotypes
associés au genre de la musique contemporaine. Nous faisons de la musique,
côtoyons les compositeurs. » Elle avance un parallèle avec le goût qui se
développe au gré des vins dégustés, des mets apprivoisés : « Si
on ne s’entête pas, on passera à côté de quelque chose. »
L’expérience de concert reste un phénomène hors-normes,
rappelle-t-elle. « Accepter d’être immobile, silencieux, pendant un
certain temps, relève du tour de force, mais aussi accepter le silence dans la
musique. » Si elle considère utile de donner des pistes pour aider à une
meilleure compréhension du langage, elle persiste à trouver le côté abstrait du
langage génial. « Dans une même salle, 200 personnes auront 200 lectures
différentes d’une même œuvre. Il faut accepter de voyager à travers le son. »
Sous le signe des classiques et des créations, la 25e
saison s’inscrit dans une continuité pour le NEM. « On se paye une vraie
saison comme on les aime! » Plusieurs seront heureux de retrouver la
réinterprétation d’Hans Zender du Voyage
d’hiver de Schubert (2 mars) et la version pour ensemble réduit du Wozzeck de Berg de John Rea (9 mai). Ce concert
de clôture qui mettra en vedette la soprano Nathalie Paulin, à la Maison
symphonique, comprendra également Bouchara
de Claude Vivier et la création de Solaris
de Walter Boudreau. Deux hommages à l’univers de Jonathan Harvey, disparu l’année
dernière, sont également au programme (8 novembre et 5 décembre), ainsi qu’un
concert de la relève confié au chef espagnol Fabian Panisello (3 avril) et
quelques concerts présentés dans des maisons de la culture. Les festivités s’amorceront
en douceur, lors d’un concert intime consacré à Luigi Nono et Bruno Maderna ce
vendredi 25 octobre, Salle Bourgie, dans le cadre de l’exposition Splendore e Venezia.
Lorraine Vaillancourt ne semble aucunement tentée de remiser
sa baguette de chef, tout comme les 6 membres fondateurs toujours présents à l’appel
après 25 ans. Elle voit les projets du NEM comme « une forme de résistance »,
confiante que de plus en plus de gens sauront se laisser porter par cette
musique.
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