Pour extraire enfin un amour déçu de sa vie, une jeune journaliste part au bout du monde. La tête pleine d’attentes, de souvenirs, d’interrogations, elle débarque en Afrique du Sud, se rendra rapidement compte que les clichés et les certitudes n’existent que pour être déboutés. Avec son premier roman Les souliers de Mandela, Eza Paventi frappe fort, très fort. En quelques pages à peine, grâce à une écriture volontiers cinématographique – l’auteure est d’abord documentariste –, elle réussit à nous faire plonger dans une Afrique qui ne peut être découverte entièrement que de l’intérieur, une rencontre, une histoire de résilience à la fois.
Les effets de l’apartheid ne se sont pas dissipés d’un coup de baguette magique, une fois Mandela libéré. Le pays doit apprendre à vivre autrement, à se reconstruire, comme Fleur doit non pas oublier Gregory, mais le circonscrire dans un espace-temps, conjuguer certains verbes au passé et d’autres au présent. « Et l’amour tombe. Il s’échappe de nos pores, de nos mains, de nos mémoires. L’amour s’enfuit, se cristallise au contact de l’air froid, disparaît dans la tempête. Je me réveille en sursaut, aussi vide et triste qu’un paysage d’hiver. »
La puissance des descriptions laisse parfois pantois, tant on a l’impression de sentir le soleil sur sa peau, le vent du large dans ses cheveux, de goûter une spécialité locale, d’entendre le bourdonnement de la foule. La distanciation établie par l’utilisation de la troisième personne du singulier pour les retours dans le passé s’avère un choix convaincant – après tout, la Fleur qui travaille pour Radio Bush n’a que bien peu à voir avec celle qui offrait des chroniques légères à la télévision québécoise –, celui d’interpeller le lecteur ici et là également. Que Fleur inscrive dans la marge des précisions sur la situation politique, dessine une carte des régions visitées ou glisse un commentaire très « fille » sur la beauté d’un homme permet une deuxième lecture, hors des sentiers battus, presque buissonnière (à prolonger si souhaité sur le blogue de Fleur Fontaine), une ouverture sur l’autre surtout. Un livre à glisser entre toutes les mains, surtout en cette période de déchirements idéologiques. « Je deviens un être humain à travers d’autres êtres humains. Et je chante, les combats, les histoires d’amour, la peur, la compassion, le courage qui décline ou celui qui renaît. Je chante les rêves de tout le monde, en même temps que tout le monde. »
3 commentaires:
Si je le croise à la bibliothèque, pourquoi pas... !
Je ne l'avais pas repéré, celui-là... Et j'aime les écritures cinématographiques, contrairement à beaucoup de gens!
Karine: ça se lit vraiment bien!
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