mercredi 30 avril 2014

La poupée de Kokoschka

Alors qu'il a 26 ans, Oska Kokoschka tombe amoureux fou d'Alma Mahler, de sept ans son aînée, qui vient de perdre son mari. Une idylle s'amorce, qui ne durera que deux ou trois ans, ponctuée par séparations et retrouvailles tumultueuses. Le peintre produira alors certaines de ses plus belles pièces, porté par l'amour qu'il porte à sa muse. Celle-ci devait malheureusement lui préférer l'architecte Walter Gropius, qu'elle fréquentait déjà à l'époque de son mariage avec Gustav Mahler. Perclus de chagrin, Kokoschka commande à Hermine Moss, costumière de théâtre, une marionnette grandeur nature, représentation aussi réaliste que ce peut de son amour perdu. Complètement investie dans le projet, sans doute éprise du peintre, Hermine confectionnera aussi une réplique du peintre et de Reisl, sa servante. 
L'histoire est connue des amateurs de Kokoschka et aurait pu ne demeurer qu'une curiosité. Dans son premier roman La poupée de Kokoschka, réédité récemment chez Héliotrope, l'auteure Hélène Frédérick s'inspire de celle-ci pour tisser un étrange portrait en demi-teintes de cette Hermine dont on sait au fond si peu de choses, mais aussi d'une époque. Si, au départ, dans ce journal auquel elle se confie, elle ne relate que certaines des grandes lignes de son projet, elle finit par s'y révéler entièrement, évoquant sa sœur, ses amis, revenant sur son passé, alors qu'elle était elle-même la poupée d'hommes qui payaient pour ses services.  
L'auteure a su fort habilement doser ce périple d'Hermine à l'intérieur d'elle-même. Si au début, elle adopte un ton presque clinique (il ne faudra pas se laisser rebuter par ces passages), elle le modulera au fur et à mesure, menant la protagoniste tantôt vers une jalousie qui la consumera par moment, tantôt vers un certain désabusement, par rapport au projet lui-même, mais surtout à cette Première guerre mondiale qui sème la désolation sur son passage. Intercalés entre les bribes de récit d'Hermine, certains tableaux et dessins de Kokoschka prennent vie, le sujet parlant au peintre, tentant de s'extraire de ce rôle de faire-valoir, de marionnette qui suscite l'inspiration.Cela donne lieu à un superbe jeu de poupées-gigogne, qui nous questionne sur le rôle que chacun joue dans la vie des autres.
« Je deviens ainsi votre marionnette, la seule "vraie" poupée de l’histoire, celle que l’on manipule pour créer illusion, pour combler un vide, ou du moins temporairement l’oublier. Temporairement. Voilà toute la valeur que vous m’accordez. » 
Je lirai assurément le deuxième roman de l'auteure, Forêt contraire, paru ces jours-ci, dans un registre tout à fait différent.


lundi 28 avril 2014

Mies Julie: une relecture coup de poing

Huis clos étouffant entre la jeune aristocrate Julie, le valet et la cuisinière de son père, Mademoiselle Julie de Strindberg avait causé une véritable onde de choc quand elle avait été présentée la première fois en 1889. Souhaitant la réactualiser, la dramaturge et metteure en scène Yaël Farber a choisi de transposer la pièce dans une Afrique du sud post-apartheid, où tout n'est peut-être plus blanc ou noir, mais où le souvenir du sang (qu'il coule dans les veines ou ait été versé) reste prépondérant. 

Julie (Hilda Cronje) tourne avec une certaine arrogance autour de John (Bongile Mantsai), le serviteur de son père, mais avec lequel elle a grandi, sa mère ayant choisi de se départir de ses obligations en confiant l'enfant à Christine, la mère de John (Zoleka Helesi). Alors que l'on fête Freedom Day, les employés dansent dehors et Julie souhaiterait que John l'y accompagne. La tension sexuelle entre eux est telle que la balance du pouvoir peut basculer à tout moment, de la puissance sous-jacente de la maîtresse des lieux à celle, plus animale, de l'homme qui peut à tout moment foncer sur sa proie. Que les deux protagonistes aient des sentiments l'un pour l'autre ne changera rien à l'issue de ce duel, qui deviendra danse de la mort. « M'as-tu aimée ou te détestais-tu? », demandera Julie à John. « C'est la même chose », répondra avec fatalisme celui avec lequel elle aurait aimé pouvoir s'enfuir, invoquant que Christine aurait pu devenir cuisinière dans cet hôtel qu'ils ouvriraient loin du district aride de Karoo.

La relecture de Farber est particulièrement réussie, tant au niveau du texte que de la mise en scène. Portée par les harmoniques gutturales de Tandiwe « Nofirst » Lungisa, qui devient fantôme ou métaphore de cet autrefois pas si lointain, certains tableaux se révèlent d'une troublante beauté: cage d'oiseau que l'on fait virevolter représentant la prison dans laquelle les personnages sont malgré eux enfermés, vin qui se change en sang puis devient prolongement des racines d'un arbre sublimé, gumboots alignées sagement côté jardin, main de Mantsai couvrant le sein d'Hilda Cronje après qu'ils aient fait l'amour. De fait, les moments les plus forts demeurent ceux où le texte devient superflu, sous-entendu, que le propos se sédimente alors dans l'esprit du spectateur. 

Le constat de Farber est brutal, mais curieusement dépourvu de cynisme: « L'amour est impossible dans ce bourbier. » On sort de la 5e Salle avec la conviction d'avoir vu une oeuvre théâtrale forte, qui pêche parfois par ses excès (la matière était sans doute ici trop dense), mais dont le propos continuera de hanter l'esprit.

À la 5e Salle de la Place des arts jusqu'au 3 mai


dimanche 27 avril 2014

Une braderie comme je les aime

Quelle belle idée que cette braderie semble-t-il annuelle des éditions du Noroît! Des tables, dispersées un peu partout dans leurs bureaux et, sur ces tables, des dizaines de recueils neufs, soldés à... 2 $! Incroyable, non? Comment oser affirmer après cela que la poésie est un luxe et coûte trop cher?

Résultat de mon expédition hier: 20 livres (dont deux qui seront offerts en cadeau, pas dans la photo) pour le prix d'un roman étranger en grand format. Qui dit mieux? Comment ont-ils choisi? J'ai ouvert chaque livre et ai lu ce qui se trouvait sous mes yeux. Si le texte me titillait suffisamment, hop dans la pile. Vous avez jusqu'à 16 h aujourd'hui pour en profiter. C'est au 4609 Iberville et on offre même quelques bouchées sucrées aux flâneurs. De quoi oublier la température morose!

vendredi 25 avril 2014

Besbouss: l'autopsie d'un révolté

Besbouss autopsie d'un révolté raconte autrement l'histoire de Tarek/Mohamed Bouazizi, ce jeune Tunisien de 26 ans qui s'est immolé par le feu, étincelle qui aura permis le soulèvement d'un peuple et le déploiement du Printemps arabe en 2011, un an tout juste avant ce fameux Printemps érable qui a le goût doux-amer des lendemains qui déchantent. Stéphane Brulotte aurait pu choisir de donner une voix au jeune homme, qu'il explique son geste. Il a plutôt choisi de l'utiliser comme éveilleur de conscience, alors que Karim, médecin légiste, doit proposer un rapport qui permettra de soutenir la thèse officielle. 
Cela donne un texte dense, oscillant entre violence et tendresse; même lorsque l'on devient martyr, on reste toujours le fils ou l'ami de quelqu'un. Il est question de droits humains, de misère, de faim, mais aussi de la famille, que ce soit celle du disparu ou celle du médecin qui, même si on le devine blasé, ne peut oublier l'horreur de ce qu'il voit jour après jour, que ce soient ce corps calciné, cette petite fille frappée par un chauffard aux fortes connexions politiques ou ces enfants dont l'école s'effondre sur eux. « C'est comme si vous aviez perdu toute forme d'humanité. »
La pièce, un long dialogue entre le médecin et un cadavre qui sert de vaisseau à sa conscience, est ici défendu par le comédien marocain Abdelghafour Elaaziz (qui avait hérité de l'horrible rôle du bourreau dans Incendies) qui, par moments, semble se consumer sur place. Est-ce dû aux nerfs ou le résultat d'indications fautives du metteur en scène Dominic Champagne? Pendant le premier segment de la pièce, l'acteur surjoue, devenant presque possédé, faisant perdre ce faisant au spectateur des bribes de texte. Le vent a semblé tourner après la scène pendant laquelle il s'allume une cigarette, Elaaziz nous offrant par la suite des moments d'étouffante intensité aussi bien que de réelle poésie. Si l'on a choisi ici d'adopter un français international limite franchouillard (ce qui peut se justifier sans peine), il faudra faire attention à ces quelques moments où l'accent québécois a envie de faire une légère incursion dans le discours. (Ceci se réglera sans doute tout seul au cours des prochaines représentations.)
Le texte est fragmenté en tableaux, ponctués avec une grande justesse par la trame musicale d'Alexander Macsween (qui avait aussi fait un aussi remarquable travail dans La fureur de ce que je pense, dans un registre totalement autre), qui permet aussi bien à l'acteur de souffler qu'au spectateur de laisser le texte décanter. On restera toutefois un peu perplexe face aux éclairages d'Étienne Boucher, oscillant entre lumière du jour et pénombre, sans logique réelle. Cherchait-on à transmettre le passage du temps? Le médecin aurait-il pris plus que quelques heures avant de rendre son rapport d'autopsie. On peut en douter.
Quoi qu'il en soit, Besbouss: l'autopsie d'un révolté pose une série de questions brûlantes. Peut-on encore rêver de justice en 2014? Sommes-nous devenus ces chiens qui grondent, mais remettent eux-mêmes leur collier avant de réintégrer leur niche, comme l'évoque Brulottte? 
Et si nous avions encore le pouvoir de changer le monde, un geste à la fois?
Au Quat' Sous jusqu'au 17 mai.

mercredi 23 avril 2014

Affichez-vous avec votre livre!

C'est aujourd'hui la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur et une pléthore d'activités (dont des centaines gratuites) sont organisées pour souligner l'événement un peu partout. Vous voudrez peut-être participer au ludique concours Affichez-vous avec votre livre et remporter un certificat-cadeau de 500 $ chez un libraire (tous les détails et photos ici). Vous pourriez aussi écouter l'émission (diffusée hier) que j'ai réalisée avec le porte-parole de l'événement, Samuel Archibald sur le site de La Recrue du mois.

Je me suis vêtue de couleurs printanières (chemisier pomme verte, pantalon mandarine), en accord avec la couverture de mon livre du moment, Prague sans toi de Jean Lemieux, une histoire d'amour entre un auteur et une musicienne (clarinettiste), qui s'amorce lors d'un concert mettant en vedette la musique... de Mozart! Difficile de trouver plus parfait comme accessoire du jour. Il me reste à souhaiter que les deux protagonistes assistent à une représentation théâtrale à un moment ou l'autre de l'histoire et je serai totalement comblée.

Bonne journée!

lundi 21 avril 2014

Les chaises berçantes

Vous avez mangé trop de chocolat hier? Qu'à cela ne tienne! Je vous propose de déplacer le mal en esquissant peut-être quelques pas sur cette lecture séduisante du Petit concerto pour Carignan d'André Gagnon joué par Collectif 9. Ils présenteront demain soir au Théâtre Rialto leur programme FÓLK, comprenant des pièces classiques fortement inspirées de mélodies et de rythmes populaires : du trad québécois au mambo cubain, en passant par la musique tzigane d’Europe de l’Est. Je me fais un plaisir de retrouver la joyeuse bande!
Et swinguez votre compagnie!

Les Chaises Berçantes // collectif9 "Petit concerto pour Carignan" from Lesaiguillestournentàl'envers on Vimeo.

samedi 19 avril 2014

D'autres fantômes

Un matin identique à des centaines d’autres, Albert se dirige vers le travail. Il pose un regard désabusé sur ses compagnons d’infortune, dont il ne connaît pas le nom, mais dont les visages font partie de son quotidien. Et puis, tout bascule quand une jeune femme se jette sur la voie. Incapable d’oublier ce qu’il a vu, Albert part à la recherche d’indices qui lui permettraient de mieux saisir les motivations de ce geste désespéré, de tracer un portrait de cette femme avant l’instant fatidique.

Ce qui s’annonce d’abord comme une étrange enquête journalistique ou policière se transforme rapidement en quête du soi, en acceptation plus ou moins aisée d’un passé auquel Albert croit avoir tourné le dos, qui surgit au détour des allées de cimetières ou des rencontres avec sa sœur, auteure de romans. Et si ce qu’il croyait être l’histoire de sa propre vie n’était au fond qu’une immense comédie dont il n’est pas acteur, mais simple spectateur?

Avec ce premier roman, Cassie Bérard frappe fort. Difficile d’admettre que ce projet d’écriture particulièrement abouti ait commencé à l’habiter dans la jeune vingtaine, tant le travail de fond semble impeccable. Tributaire du Nouveau Roman, D’autres fantômes évite pourtant nombre des écueils liés à cette pratique d’écriture. Oui, l’idée d’intrigue est détournée, les multiples rencontres faites par le narrateur ne servant au final qu’à alimenter sa quête identitaire. Oui, la position du narrateur est mise en doute dès les premières pages ou presque. Si cela sous-entend une lecture plus active et une maîtrise des codes du genre, elle ne se fait pourtant pas aux dépens d’un plaisir certain – et ce, au fil de quelque 400 pages. On s’attache à Albert, à ses lubies, à ses angoisses, même si parfois on a envie de lui crier de vivre sa vie plutôt que de chercher à reconstituer celle d’une inconnue. Mais cette recherche d’une altérité n’est-elle pas au fond le seul antidote possible à cette société devenue la nôtre, fortement individualiste, pétrie de malaises et d’insécurités? En reconnaissant l’Autre dans ses différences, dans son essence, ne parviendrons-nous pas à accueillir notre unicité?


Ce roman aux qualités littéraires évidentes, qui se passe à Paris, volontairement dépouillé de québécismes, refuse l’esbroufe. Il permet une réflexion des plus pertinentes sur la place que les morts, mais aussi les non-dits et les faux-semblants occupent dans nos vies. Il nous rappelle surtout que l’écriture reste encore et toujours une merveilleuse – sinon la plus grande – mystificatrice.  

jeudi 17 avril 2014

David Fray: transcender le déséquilibre

Photo: Paolo Roversi
Je n'avais pas entendu David Fray en salle depuis octobre 2008 (le temps passe!), mais l'ai suivi d'assez près sur disque, son album des concertos de Bach (et même celui de deux concertos de Mozart) se retrouvant assez régulièrement dans mon lecteur. Il proposait hier soir à une salle Bourgie bondée un programme exigeant, comprenant un doublé de toccates et de partitats de Bach, chaque paire permettant de dresser un portrait complémentaire des tonalités de mi et do mineur. (Il avait également joué avec le concept de la tonalité  cette fois-là si mineur  en 2008.)

Toujours perclus de tics, adossé dans sa chaise et le corps courbé sur l'instrument, le regard un peu vague quand il entre en scène, David Fray continue d'évoquer physiquement Glenn Gould, mais la ressemblance s'arrête là, le pianiste français privilégiant une approche disons plutôt romantique des œuvres de Bach – comme les aurait relues Busoni par exemple. (Il ne faut sans doute pas se surprendre que Fray ait choisi Nun komm, der Heiden Heiland de Bach-Busoni en bis.) La sonorité se veut certes plus orchestrale que fidèle à celle du clavecin, mais cela ne choque en rien, tant la compréhension des multiples strates du texte relève de l'évidence. La nature percussive de l'instrument disparaît au profit d'un traitement des couleurs, des passages de la Toccate en mi mineur rappelant indéniablement certains des gestes de l'opéra baroque. On regrettera tout au plus que la dernière section de la même toccate ait été un peu trop traversée par la pédale, nous privant en partie du plaisir purement digital que l'on souhaiterait associé au genre.

Dans la Partita en mi mineur, dont le premier mouvement devenait de façon assez habile prolongement de l’esprit de la toccate qui l’avait précédée, le musicien a fait preuve d’un véritable travail d’orfèvre sur le phrasé, la résolution de chacune des tensions harmoniques se révélant parfaitement contrôlées. L’élément de danse inhérent à chacun des segments demeurait très présent, même si la courante (comme celle de la Partita en do mineur d’ailleurs) s’est trouvée bousculée à la limite de l’intelligibilité. Alors qu’il avait su démontrer une poésie étonnante dans tous les passages pianissimo – souvent sublimes de beauté retenue –, Fray ne m’a curieusement pas convaincue dans ses Sarabandes, la douleur poignante du texte étant occultée par une impression de vouloir rester sciemment en retrait de la charge émotive du texte.

Après une Toccate en do mineur réussie, particulièrement dans la dernière section, l’interprète français a opté pour quelques choix de tempos intrigants dans la « Sinfonia » de la Partita de même tonalité. Refusant une opposition tranchée entre l’introduction et la première section (qui devenaient ainsi plus complémentaires que contrastantes), il a ensuite explosé dans la troisième section, laissant l’auditeur à bout de souffle. Si l’ensemble semblait se tenir d’un seul montant dans la première partie, cette fois, on avait parfois l’impression de rentrer et de sortir de la Partita, certains choix séduisant franchement (magnifique travail sur le « Cappricio » notamment) et d’autres paraissant plus tirés par les cheveux. Ayant moi-même travaillé cette Partita, j’admets d’emblée des vues disons plus arrêtées sur certaines articulations ou nuances. Néanmoins, même quand certaines décisions ne me convainquaient pas, j’avais la certitude d’être mise en face d’une véritable interprétation, m’ayant permis de concevoir autrement certains des rouages de l’œuvre.

Trop peu d'artistes aujourd’hui nous questionnent de la sorte quand nous allons au concert; je continuerai de suivre le parcours atypique de David Fray avec attention.  

 


Le programme du concert proposé hier à Montréal, donné l'année dernière à Budapest.

mardi 15 avril 2014

Cassie Bérard la Recrue du mois

« Affichez-vous avec votre livre! » Voilà le thème de la 19e journée mondiale du livre et du droit d’auteur, qui se tiendra le 23 avril prochain. À l’heure où le numérique continue de gagner du terrain, est-on condamné à se priver du plaisir de zieuter la couverture des ouvrages lus par nos concitoyens dans les transports en commun ou en terrasse? On serait presque tenté de transformer un populaire dicton en « Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es. » En effet, combien de fois n’avez-vous pas essayé de faire une analyse sommaire de la personne devant vous à partir du roman qu’elle lisait? Je plaide coupable sans hésiter. Et vous, seriez-vous prêt à vous afficher avec n’importe lequel des bouquins que vous avez lus au cours de la dernière année? Je vais peut-être ici me garder une petite gêne, quoi que… non, je m’assume entièrement. Dans le cadre de cette journée essentielle, nous nous sommes entretenus pour le compte de CKCU avec Samuel Archibald, porte-parole de l’événement pour une deuxième année consécutive. Et si nous acceptions de devenir hommes et femmes-sandwich portant en étendard – ou plutôt sur notre cœur – la littérature d’ici?

Photo: ©Maxyme G. Delisle
Qu’ont pensé les gens qui m’ont vue avec D’autres fantômes de Cassie Bérard dans les mains? Si, à un moment, j’ai senti le regard interrogatif d’un inconnu, je n’en ai fait aucun cas, car j’étais beaucoup trop absorbée par ce périple dans Paris, mais surtout à l’intérieur d’Albert, le personnage principal. Difficile de croire que ces lignes ont été écrites par une jeune auteure qui admet n’avoir fait que trois sauts jusqu’ici à Paris, tant il se dégage quelque chose de profondément européen, au niveau des lieux évoqués et du style. « Tandis que j’écrivais Albert, je poursuivais un baccalauréat en études littéraires – ce n’est pas anodin, la culture littéraire que j’ai acquise à ce moment-là a considérablement influencé à la fois mon style et ma conception esthétique de la littérature, explique l’auteure dans ses réponses à notre questionnaire. Des va-et-vient dans l’univers d’Albert, histoire de l’approfondir, jusqu’à avoir l’intuition que ce qu’il restait à accomplir, ça relevait désormais du lecteur. »

Si Albert part à la recherche d’une jeune femme qui s’est jetée devant le métro, station Trocadéro, dans Où vont les guêpes quand il fait froid? de Pascale Wilhelmy, la narratrice tente de découvrir autrement l’homme qu’elle côtoyait, mais qu’au fond, elle connaissait si peu. Voilà un autre roman qui fait mouche et nous rappelle l’importance de saisir l’instant présent. 24 heures de liberté de Pierre-Luc Bélanger y fait écho, la mère du jeune héros se retrouvant plongée dans un coma après un accident. Sorray le retour du monde de Gérard Duhaime propose quant à lui une rencontre avec le peuple innu, tandis que dans Quelqu’un t’a touché, recueil de poésie de Claire Hélie, naissance humaine et la Grande Naissance – du monde, de l’univers – se juxtaposent.

Certains se lèvent le matin en se posant la question : « Mais qu’est-ce que je vais mettre? » Le 23 avril, je me dirai plutôt : « Quel livre ai-je envie de partager avec les autres aujourd’hui? » Un titre de notre numéro de mai peut-être…

Pour lire le numéro courant de La Recrue du mois


lundi 14 avril 2014

T'en souviens-tu, Pauline?

« Prenez-moi comme je crie, quand je crois que je chante. » On l’a peut-être déjà oublié, mais Pauline Julien, en plus de connaître une carrière stellaire, était de tous les combats, pour la condition des femmes, la naissance d’un pays, la dignité dans la maladie, choisissant de prendre de vitesse une aphasie dégénérative qui la privait de son essence même. Dans T’en souviens-tu, Pauline?, spectacle protéiforme qui séduit autant qu’il déroute, le personnage aux multiples facettes, mais surtout la femme portée par ses convictions, pétrie de contradictions, devient égérie, voix de ce Printemps érable qui n’a pu entièrement s’assumer, mais aussi confidente d’Audrée, double de la comédienne et auteure du texte.
Audrée Southière refuse pourtant de signer un spectacle hommage nostalgique (à en juger par l’âge de ceux présents dans la salle ce jour-là, tous avaient visiblement déjà entendu la chanteuse sur disque ou en concert), mais on ne peut que vibrer quand elle entonne certaines des chansons de Pauline Julien avec une intensité remarquable et un grain de voix qui trouble et fait mouche.
Le reste de ma critique est sur le site de la revue Jeu
Jusqu'au 19 avril au Studio de l'Espace libre
En complément, deux chansons interprétées par Pauline Julien. J'admets que le spectacle m'a poussé à plonger dans l'univers de la chanteuse, particulièrement foisonnant.

T'en souviens-tu, Godin?

T’en souviens-tu, Godin
ast­heure que t’es dé­puté
t’en souviens-tu
de l’homme qui frissonne
qui at­tend l’autobus du petit matin
après son chiffre de nuit
t’en souviens-tu des mal pris
qui sont sul’bien-être
de celui qui couche dans la neige
des trop vieux pour tra­vailler
qui sont trop jeunes pour la pen­sion
des mille mé­tiers mille mi­sères
l’amiantosé le co­to­nisé
le bys­si­nosé le si­li­cosé
celui qui tousse sa journée
celui qui crache sa vie
celui qui s’arrache les pou­mons
celui qui râle dans sa cui­sine
celui qui se plogue sur sa bon­bonne d’oxygène
il n’attend rien d’autre
que l’bon dieu vienne le cher­cher
t’en souviens-tu
des pous­seurs de moppes
des ra­mas­seurs d’urine
dans les hô­pi­taux
ceux qui ont deux jobbes
une pour la nuitte
une pour le jour
pour ar­river à se bû­cher
une paie comme du monde
t’en souviens-tu, Godin
qu’il faut rêver aujourd’hui
pour sa­voir ce qu’on fera demain?

Gé­rald Godin
Les bot­ter­lots

dimanche 13 avril 2014

Scratch: gratter sous la surface

Sébastien David le dramaturge aime les univers décalés et les transmet avec une plume particulièrement incisive. Cette fois, il change de chapeau, devenant traducteur et metteur en scène de Scratch, un texte autobiographique mené tambour battant de la jeune auteure torontoise Charlotte Corbeil-Coleman.
Anna semble une adolescente semblable à toutes les autres, exception faite peut-être qu’elle n’a pas été élevée dans un environnement tout à fait traditionnel (son père est musicien et sa mère peintre), qu’elle mène un combat inégal contre les poux et que sa mère se meurt d’un cancer.
Au fil d’une quarantaine de petites scènes, on la suit au quotidien, alors qu’elle interagit avec sa meilleure amie Madeleine (Marie-Ève Milot, impeccable), ses parents dépassés par les événements (Henri Chassé et Monique Spaziani, qui ne forcent pas le pathos), sa tante vaguement compulsive (Micheline Bernard, essentiel élément de «comic relief») et un poète assez peu doué qui s’occupe des repas de la malade (Robin-Joël Cool, idéal dans ce rôle). Chacun voudrait raconte «sa» version de l’histoire, expliquer la relation entretenue avec celle que l’on sait condamnée.
Pour lire le reste de ma critique, passez chez Jeu...

jeudi 10 avril 2014

Le dragon d'or: sauce aigre-douce


Photo: Marc-André Goulet
S’inscrivant parfaitement dans la dramaturgie allemande contemporaine, par l’utilisation du théâtre-récit et du performatif, Le dragon d’or de Roland Schimmelpfennig se révèle un texte touffu, aussi éclectique que le menu de ce restaurant thaï-chinois-vietnamien – et la brochette de personnages qui le fréquentent.
Avec une grande habileté, Schimmelpfenning joue sur tous les plans, conviant le spectateur dans les interstices du texte, les didascalies énoncées à voix haute faisant partie intégrante du propos. On se croirait par moments à un match d’improvisation de la LNI, les acteurs entrant volontairement dans la peau du personnage auquel on n’aurait jamais songé à les associer, le vétéran Luc Morissette se transformant par exemple un jeune homme de 19 ans ou «rappant» dans un anglais plus qu’approximatif. Sans broncher, les hommes se changent en femmes, en robe rouge moulante (endossée avec un naturel presque désarmant par Jean-Antoine Charest) ou simples sous-vêtements, les femmes adoptant les comportements les plus grossiers de ces messieurs (la scène de beuverie devient épique d’exagération).
Photo: Marc-André Goulet
La mise en scène nerveuse de Mireille Camier et une utilisation intelligente de l’espace (cuisine à l’arrière, restaurant à l’avant, autres lieux sur les côtés, sur la passerelle ou même dans la salle), bien soutenues par les éclairages de Renaud Pettigrew, nous permettent de passer en un clin d’œil d’un plateau à l’autre.
Pour lire le reste de ma critique, passez chez Jeu...
Au Théâtre Prospero jusqu'au 26 avril

mardi 8 avril 2014

Blind: refuser les oeillères

Le travail entourant la création de cette première pièce documentaire de Lindsay Wilson s’est amorcé en 2010 alors qu’elle découvre une photo d’Alison Darcy (qui signe la mise en scène), prise en Tanzanie. Sur celle-ci, un groupe d’enfants, la plupart albinos, avec au centre un jeune aveugle.
Souhaitant lui donner une voix, les deux étudiantes de Concordia écrivent une pièce de 15 minutes. Elles auraient pu en rester là, mais l’année suivante, Lindsay Wilson se rend en Tanzanie avec l’organisme Under the Same Sun pour travailler dans des écoles pour enfants aveugles et albinos. Ces derniers y sont protégés d’une chasse à l’homme plus ou moins officiellement documentée (plusieurs politiciens fermant les yeux), les albinos disposant selon les croyances populaires de pouvoirs magiques, leurs membres pouvant assurer notamment la richesse. (Des mineurs en enterreront par exemple à l’endroit où ils souhaitent forer et des pêcheurs tisseront des cheveux d’albinos à leurs filets.)
Le propos, certes sanglant, aurait pu servir de trame à la pièce Blind, mais en fait, il n’en est rien. On parle plutôt ici d’un récit d’apprentissage pouvant se lire à plusieurs niveaux. Il est bien sûr question de la découverte de l’autre par Hannah (double de l’auteure), mais aussi du découragement ressenti par Lily qui travaille là-bas depuis cinq ans et cherche à retrouver une certaine sérénité.

lundi 7 avril 2014

Réunion internationale Gaudeamus - Montréal

Photo: Lucie Renaud
Innovations en concert et ses partenaires s’associent ces jours-ci au célèbre Gaudeamus Muziekweek des Pays-Bas et nous convient à une semaine de concerts, de rencontres et un colloque international, autant d'événements auxquels professionnels comme simples curieux sont conviés. Encadré par deux mentors, Yannis Kyriakides (Chypre/Pays-Bas) et Christopher Butterfield (Victoria, Colombie-Britannique), les jeunes créateurs de sons d'ici et des Pays-Bas aboliront une fois pour toutes les frontières entre les pays, mais surtout les genres.

Photo: Lucie Renaud
L'impressionnant multipercussionniste Diego Espinosa était le premier à se produire samedi soir. Ayant eu le privilège de travailler avec Boulez, Zorn, Reich, Adam, Eötvos, Saariaho, Rzewski et Curran, il a reçu le deuxième prix du Concours international des interprètes Gaudeamus 2009 et le grand Prix de l'interprétation du Festival expérimental de Tokyo en 2013 pour son travail avec le compositeur Hugo Morales sur capacitance, oeuvre étonnante jouée lors du concert, dans laquelle l'énergie emmagasinée par le corps joue un rôle essentiel.

Photo: Lucie Renaud
Le travail d'interprète et de co-créateur d'Espinosa est particulièrement fascinant. Qu'il joue avec de puissants aimants (sUn de Jasna Velickovic), des tuiles de céramique (Techua de Felipe Waller, créée samedi), un ballon de baudruche (Six Drawings by Randall de David Adamcyk) ou des objets courants (Guajez de Juan Sebastian Lach), jamais on n'a l'impression d'assister à une séance de sons bricolés. On le suit pas à pas alors que se déploient des œuvres cohérentes, même si toujours intrigantes. Il possède indéniablement ce rare charisme qui empêche le spectateur de décrocher, peu importe les chemins de traverse sur lesquels celui-ci a bifurqué.


Des concerts sont aussi prévus demain soir (ensemble 7090), jeudi (autour des retailles de compositeurs) et vendredi soir (Ensemble La Machine). Détails ici...

vendredi 4 avril 2014

Étiquette 101

Je suis à 100 % pour la démocratisation de l'art et salue haut et fort toutes les initiatives qui permettent de le déplacer dans un lieu autre, plus accessible, comme ces concerts de musique classique dans les cafés (le Poisson rouge de New York a très bien compris la tendance), ces lectures de poésie sur les places publiques (encore trop peu fréquentes) ou des initiatives qui exigent une participation active du spectateur (comme Bells 13, par exemple, ou le Spa philosophique qui sera proposé par le FTA cette année). Par contre, quand le quidam fait le choix d'une expérience théâtrale ou musicale dans un lieu disons plus « encadré », je m'attends à ce que certaines règles de simple bienséance soient respectées.

Trois discordances en une même semaine me poussent ici à prendre la parole, toutes liés de près ou de loin à un usage abusif du cellulaire. Si l'écoute a été étonnante tout au long du spectacle du Cloud Dance Theatre, on n'aura certes pas pu en dire autant lors du post scriptum, un (assez) long segment pendant lequel un des interprètes dessinait une série de cercles concentriques avec un râteau. La dame devant nous ne pouvait-elle vraiment pas attendre pour consulter son FB? Avait-on besoin à ce moment précis de cette pollution visuelle, alors que nous venions de participer à quelque chose qui se rapprochait de la méditation?

Déjà, la veille, nous avions failli faire la peau à un charmant (hum...) technophile qui avait passé la représentation de Norman à texter et/ou vérifier ses courriels. Oui, il penchait un peu son écran, pensant contenir une partie de l'émission lumineuse sans doute, mais il n'avait pas réalisé que, juchés quelques centimètres au-dessus de lui, nous pouvions suivre le moindre de ses sursauts téléphoniques. Ma voisine, complètement excédée bien évidemment (le spectacle était tout sauf ennuyeux), lui a vertement (mais poliment) fait la leçon en sortant. Il l'a regardée façon piteuse. Le message est-il passé? Sa capacité de rétention a-t-elle fait qu'il a tout oublié une fois sorti dans la salle? Mystère...

Cela n'était rien par rapport à ce qui s'était passé  la semaine précédente lors du concert du LA Phil à la Maison symphonique, lieu à l'acoustique exceptionnelle, un froissement de mouchoir pouvant y prendre une tangente exponentielle. La salle était bien évidemment bondée et nous avons été surpris, mon ami et moi, de constater que deux places étaient demeurées libres à côté de nous. Nous avons avancé en rigolant - mais n'y croyant pas vraiment - que les personnes, sans doute âgées (stéréotypes, quand vous nous tenez!) avaient eu peur d'écouter la Première Symphonie de Corigliano, une oeuvre composée - gasp! - en 1989, donc certainement inécoutable. (Le souvenir de cette interprétation restera dans mon panthéon, comme la lecture qu'avait tiré de cette poignante symphonie Jacques Lacombe et l'OSM en 2004.) Eh bien, nous avons été déjoués. En effet, après l'entracte, un couple est apparu à nos côtés: jeune trentaine, bien habillé, fort excité de se retrouver là semble-t-il (ou tout simplement émoustillé par le premier segment de sa soirée). Cela a pris peut-être six secondes avant que le cellulaire de madame ne soit dégainé et qu'une dizaine de selfies soit pris. Sourire de monsieur, moue sexy de madame, cheveux balayés vers l'arrière, mettons-nous en scène. Impossible d'attendre bien sûr pour se connecter sur FB et Twitter (et sans doute Instagram, Pinterest, alouette...) Partageons, partageons...

Les lumières se tamisent. Nous en sommes tout au plus à la réexposition du premier mouvement de la symphonie de Tchaïkovski au programme (qui aura été certes moins mémorable que celle de Corigliano). Une petite soif de madame, qui a pensé à tout. Elle extirpe la bouteille de plastique de son sac à main (froissement du contenant dans la main bijoutée), en avale une gorgée (crissement - à peine perceptible pense-t-elle sans doute - de la bouteille). En parfaite hôtesse, elle en propose même à monsieur (évidemment pas dans la section fortissimo, cela aurait été trop aimable). Une fois rafraîchis, les tourtereaux peuvent poursuivre leur exploration, non pas du répertoire symphonique, mais du corps de l'autre. Quoique prétendent certains critiques montréalais, la salle n'est jamais entièrement dans le noir à la Maison symphonique et, hum, disons que côté intimité pour se rouler un patin, on repassera (et tout cela pour un billet dont le coût valait 8 ou 10 sorties au cinéma!). Une fois la dernière note déposée, incapable d'applaudir, mon ami s'est tourné vers moi, excédé: « Ce n'est pas la Cinquième de Tchaïkovski que nous venons d'entendre, mais l'ouverture-fantaisie Roméo et Juliette» Une semaine après, il n'en était toujours pas revenu. (Précisons ici que, non, il n'a aucun cheveu gris, car il fait partie de la génération C, née avec une compréhension instinctive de la technologie.)

Devrait-on demander au public de déposer son cellulaire au vestiaire? Devrions-nous intégrer un segment étiquette de concert au milieu des mises en garde au sujet des cellulaires au début de spectacle? Doit-on accepter que notre monde est devenu si individualiste que nous en avons oublié comment vivre en société? Dois-je cesser de fréquenter théâtres et salles de concert? Suis-je vraiment si vieux jeu? Autant de questions pour l'instant sans réponses. Mon téléphone intelligent les connaît peut-être, lui...

mercredi 2 avril 2014

Gabriela Montero, reine de l'improvisation

Gabriela Montero a découvert le piano avant même de savoir marcher ou parler, une grand-mère prévenante ayant déposé littéralement, comme les fées marraines des contes, un instrument-jouet dans son lit quand elle avait sept mois. Fixant son attention sur la voix de sa mère qui entonne chaque soir l’hymne national vénézuélien ou une mélodie à la radio, elle reproduit rapidement avec succès ce qu’elle entend. À quatre ans, elle entreprend des études formelles avec Lyl Tiempo, se produisant en concert l’année suivante, puis, à huit ans, avec l’Orchestre national des jeunes du Venezuela dans le Concerto en ré majeur de Haydn sous la direction de Jose Antonio Abreu, fondateur du mouvement El Sistema. Elle quittera peu après avec ses parents Caracas pour les États-Unis, puis l’Angleterre.

Ayant toujours improvisé en plus de travailler les partitions des grands compositeurs, elle peine pourtant à trouver sa niche. Pianiste de concert ? Improvisatrice ? Musicienne de jazz ? Déjà, à l’adolescence, ses professeurs déploraient sa propension à l’improvisation. La révélation lui viendra pendant les 3 années que passera à Montréal cette nomade dans l’âme, qui a déménagé 34 fois, dans 8 pays différents. C’est là en effet que, à 31 ans, elle rencontre Martha Argerich qui la prendra sous son aile, mais surtout lui confirmera qu’elle doit refuser les étiquettes que l’on tente de lui apposer et qu’elle peut mener de front ces deux carrières en apparence opposées. 

Elle sera à Montréal le 20 mai comme juge du premier Prix d'improvisation Richard-Lupien et comme pianiste. J'ai eu le grand plaisir de m'entretenir avec elle pendant une vingtaine de minutes et le tout se retrouve en couverture du numéro courant de La Scena Musicale. Vous pouvez lire le reste de mon article ici (version Flash) ou là (version PDF).

mardi 1 avril 2014

Tag de la recette du gâteau littéraire

Ah, que voici un tag difficile, gracieuseté de Marion... Je n'en ai peut-être pas fait mention ici, mais j'adore cuisiner et lit des livres de recettes de façon périodique, histoire non pas tant de reproduire une recette, mais qu'elle serve d'inspiration à un autre moment. Mais là, bizarrement, la recette me semble un peu moins facile à assimiler. Je m'y frotte quand même, en espérant que le tout se révélera digeste.


Prenez la farine en choisissant un livre dont l’histoire a été lente à démarrer mais la suite prenante.

Combustio de Gilles Jobidon. Au début, on est un peu largué par les histoires parallèles, puis on devient complètement happé.



Ajoutez le beurre, un livre avec une intrigue riche et bien ficelée.

Le peintre de batailles d'Arturo Pérez-Reverte, sans doute mon préféré de cet auteur.

Mélangez avec les œufs cela consiste à choisir un livre que vous pensiez détester mais qui s’est révélé être un véritable coup de cœur.

D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère. Je ne suis pas habituellement pas très friande de ces livres dans lesquels l'auteur se met en scène, sans que cela relève nécessairement de l'autofiction (et pour cette raison ne lis pas d'autobiographies, sauf si je dois écrire des notes de programme par exemple), mais là, j'ai vraiment adoré ce livre.


Ensuite, ajoutez le sucre, choisissez un bouquin « doudou » qui vous a fait passer un moment de douceur dans ce monde de brutes.  

Les deux romans autour de la musique de Ketil Bjornstad: La société des jeunes pianistes et L'appel de la rivière. En plus, j'ai lu le second lors d'une maladie qui m'avait vraiment hypothéquée. Pourtant, je garde un souvenir ému de cette lecture.



Après avoir mis notre gâteau au four, nous ressortons notre œuvre d’art gastronomique pour la laisser refroidir. Et vu que nous sommes des cuisiniers accomplis, nous allons décorer notre fameux gâteau.

Choisissez comme glaçage un livre qui regroupe tous les éléments qu’il faut à un récit pour que vous l’aimiez.

La petite fille silencieuse de Peter Hoeg, qui m'avait été recommandé par un ami qui, alors ne me connaissait pas si bien que ça, mais a néanmoins visé dans le mille. 

Je ne peux évidemment pas ne pas inclure ici Le temps où nous chantions de Richard Powers, que j'ai offert à de nombreux amis.

Puis parsemez de pépites colorées le glaçage, il vous faut un livre qui vous donne la pêche quand vous avez le moral dans les chaussettes.

Je pense que je pourrais inclure dans cette catégorie tous les livres de Jacques Poulin. Il ne se passe presque rien, mais il se dégage une telle petite musique de vie, parfaite en tous points, que c'est impossible d'y résister. Si je ne devais qu'en choisir qu'un seul, ce serait Les yeux bleus de Mistassini.




Pour finir, le dernier ingrédient, l’indispensable cerise sur le gâteau, ajoutez le livre que vous avez le plus aimé en ce début d’année 2014.

Le premier livre que j'ai lu en 2014 reste un indéniable coup de cœur, auquel j'ai même donné la cote de 4 étoiles 1/2: Le quatrième mur de Sorj Chalandon. 


Ouf! Je crois que je peux servir ce gâteau sans trop de honte. J'en profite pour taguer Venise, Lali et Claudio. Aucune obligation...