Admettons-le d'emblée: ce spectacle, proposé jusqu'à vendredi à l'Usine C dans le cadre des Escales improbables ne ressemble à rien de ce que vous aurez pu voir jusqu'ici. La salle est plongée dans le noir le plus total (les retardataires ne seront pas admis). On accepte la perte de repères, avant de se laisser happer, presque envouter, par une voix, celle du philosophe Michel Onfray, qui plonge dans son livre La sagesse des abeilles. Première leçon de Démocrite. Quelques projections vidéos de François Royet, sobres, évoquant aussi bien la neige que le pollen en suspension ou les poussières d'étoiles (dont il sera question dans le texte) et des éclairages sensibles de Renaud Lagier soutiennent le propos, sans l'envahir, tout comme la trame musicale de Jean-Luc Therminarias (jumelant segments pré-enregistrés et interactions en direct), entre ambiance et pulsation.
Le texte nous porte, nous dénude d'une certaine façon. On se retrouve, comme l'auteur, devant la stèle d'un être aimé, dépouillé de repères, puis désirant s'inscrire d'une certaine façon dans la nature qui nous entoure. On se replie sur soi, on s'ouvre au monde, mais malgré tout, on l'attend, ce mannequin, conçu par le metteur en scène Jean Lambert-wild, dont les bras sont articulés par un marionnettiste, sur lequel sont projetées des images, qui contient en son sein 20 000 abeilles, « actrices » de ce spectacle qui leur rend hommage. Elles nous rappellent que le temps s'accélère, que nous devrons poser maintenant les gestes qui permettront d'enrayer non seulement leur disparition mais celle de tous les pollinisateurs. Et puis, dans ce monde qui court tout court quand il ne court pas à sa perte, il faut parfois s'arrêter pour examiner les choses simples, celles qui nous révélent à nous-mêmes, nous permettent de réinscrire au coeur de notre quotidien une conversation avec le vivant.
Un texte à découvrir - et à se réapproprier ensuite, dans le calme de son jardin peut-être -, une réflexion nécessaire, une heure hors du temps.
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