vendredi 28 février 2014

Au rythme des papillons

Y a-t-il quelque chose de plus envoûtant que le vol d'un papillon? Comment ne pas être troublé par la métamorphose que subit la simple chenille avant de prendre son envol, que ce soit une journée, une saison ou plus longtemps encore? Alors que la populaire exposition Papillons en liberté bat son plein au Jardin botanique, le Moulin à musique présente sa toute nouvelle production, le concert visuel Au rythme des papillons, un voyage sonore qui laisse une large place au rêve et aux interprétations libres.

Métaphore idéale de la métamorphose (petits et grands ne rêvent-ils pas constamment de s'émanciper d'aussi belle façon?), le spectacle dégage avant toute chose une charge atmosphérique. Pas de pédagogie musicale directe ici, aucune intervention parlée visant à rallier les esprits; plus simplement une démonstration en sons et en images de la puissance des langages non-verbaux.

Photo: Olivier Benoit-Potvin
Deux musiciennes, Mélanie Cullin (pianiste) et Fanny Fresard (violoniste), servent de guides et transmettent les inflexions de la très belle partition de Georges Forget. Les œuvres d'Eugénia Reznik s'inscrivent naturellement en contrepoint, deuxième ligne narratrice complémentaire, qui peut être perçue au premier degré (les quatre étapes menant à la naissance du papillon) ou comme une métaphore de la création artistique. L'immense œuf de la chenille (un ballon enveloppé dans du papier collant brillant) peut représenter les premiers germes d'une idée artistique, la chenille l'étape des croquis (c'est d'ailleurs à ce moment-là que le dessin se fait plus directif), la chrysalide les toiles couvertes d'une bâche quand le peintre quitte l'atelier et le papillon lui-même, traité ici de façon abstraite, l'oeuvre terminée. On sent aussi un réel travail sur les textures et les transparences, magnifiées par des éclairages de Kévin Bergeron.

Les sections oniriques sont entrecoupées de segments plus rythmés. Il faut souligner ici l'efficacité redoutable du passage accompagnant les repas de la chenille qui, non contente de manger quelques brins d'herbe, finit par manger feuilles, arbre au complet et même partition (beau clin d’œil), la musique de Georges Forget nous propulsant vers l'avant de façon implacable. (Un enfant handicapé mental, présent lors de la première, a d'ailleurs éloquemment démontré la puissance de cette musique en tapant parfaitement en mesure tout au long du segment en question.) La « berceuse » de la chrysalide, aux harmonies rappelant parfois Bartók, devient tout de suite après une véritable page de poésie.

La musicienne en moi aurait aimé pouvoir rester encore cinq minutes dans cet univers, histoire sans doute de laisser voler mon esprit avec ce papillon chimérique... ou accepter de le laisser partir.

Vous pouvez vous glisser dans la salle de l'Auditorium Henry-Teuscher du Jardin Botanique de Montréal aujourd'hui, demain et du 6 au 8 mars. Détails ici...

2 commentaires:

Allan a dit…

J'étais là à 13h30, on a failli se croiser ! L'école qui a participé pour enregistrer des sons et qui a contribué avec les petits dessins de papillons des projections du début était là. Les enfants faisaient des bruits "live" aussi. Je pense d'ailleurs y retourner- j'ai adoré ça !

Lucie a dit…

On était au même spectacle! J'ai pensé que tu y serais, ai regardé autour, mais apparemment, nous nous sommes ratés! :(