Photo: Andrée Lanthier |
Si Martin Luther King Jr avait rencontré Malcolm X pour une
discussion franche, la cause des droits civiques des Afro-américains
aurait-elle progressé autrement? Voilà la question que pose The Meeting, pièce écrite en 1984 par
Jeff Stetson, articulée autour d’une conversation qu’aurait pu avoir les deux
leaders américains dans une chambre d’hôtel de Harlem, peu après que la demeure
de Malcolm X ait été bombardée, une semaine à peu près avant que trois hommes
ne déchargent le contenu de leurs armes sur lui à la salle de bal de l’Audubon
(et trois ans avant l’assassinat de Luther King).
Au début de la pièce, Malcolm X se réveille en sursaut, des
suites d’un cauchemar. Craint-il sa mort? Plutôt que son nom soit plus ou moins
occulté des mémoires collectives, que les droits de ses compatriotes noirs ne
soient pas reconnus. Il discute ensuite avec son garde du corps Rashad, qui ne
voit pas particulièrement d’un très bon œil qu’il ait convoqué le Révérend
King, les deux finissant par unir leur voix en reprenant la chanson de Billie Holiday You Don’t Know What Love Is, qui prend
une toute autre dimension dans ce contexte et, une fois cité une deuxième fois
à la fin de la pièce, permet de refermer le livre de cette rencontre imaginée.
La table est mise pour que les deux hommes, l’un partisan de
l’œil pour œil, l’autre de la non-violence, s’affrontent dans une joute verbale
bien calibrée qui, plutôt que de prendre position, jette un éclairage pertinent
sur les moyens pris par chacun pour parvenir à un même but. Plus la pièce
avance vers un premier apex, alors que l’on croit que les deux se quitteront
sur une note musclée, plus on réalise la complémentarité des deux
approches et surtout, combien elles auront favorisé des avancées nécessaires.
Et puis, le ton se modifie subtilement et Stetson nous rappelle que derrière
les discours passionnés et l’apparente hargne, on retrouve des maris et des
pères de famille attentionnés (Luther King offrant en cadeau aux filles de
Malcolm X la poupée de sa fille devient un instant-clé), pas seulement des légendes.
La mise en scène de Quincy Armorer mise sur le texte, mais ne
se révèle jamais statique. Le décor de Logan Williams, fait pour se déplacer
dans les écoles (la pièce ayant une portée pédagogique certaine, voulue par l’auteur
d’ailleurs), soutient bien ce parti pris. Lindsay Owen Pierre, qui endosse ici
pour la seconde fois les habits de Malcolm X (on l’a vu récemment dans Betty and Coretta avec Mary J. Blige) dose
bien agressivité et intériorité. Christian Paul fait le choix astucieux de ne pas tenter de reprendre intonations ou gestuelles pour plutôt transmettre la force
intérieure, bouillonnante, du pasteur baptiste. Kareem Tristan Alleyne se révèle sans reproche dans
le rôle de soutien de Rashad.
Cette production du Black Theatre Workshop tient l’affiche
jusqu’au 1er mars au Centre Segal.
2 commentaires:
Wow ! Est-ce que tu sais si le texte de la pièce est disponible en français (mon anglais est faible, je perdrais beaucoup trop du texte en le lisant dans cette langue)?
Ce texte m'intéresse au plus haut point. Merci beaucoup Lucie d'en parler ici. Belle journée.
Marion
À ma connaissance, non (et je n'ai rien trouvé en faisant une recherche Internet)... C'est un sujet si américain que peut-être n'a-t-on pas pensé à le traduire. :s
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