Si je vous dis « buzz », quelle image vous viendra d’abord à l’esprit? Sans doute celle de l’effervescence autour de la nouveauté. Dans une société surmédiatisée, une mode chasse l’autre en moins de temps qu’il ne faut pour émettre l’onomatopée. Buzz fait aussi référence au son produit par les lèvres qui vibrent sur une embouchure de cuivres, premier geste que les apprentis musiciens devront maîtriser avant même d’oser extraire une note de leur instrument. Juxtaposez-y le mot « cuivres » et vous obtiendrez nom d’un quintette qui célèbre cette saison son dixième anniversaire de fondation, par un concert pour cuivres, harpe et piano, mettant en lumière aussi bien des relectures d’airs folkloriques que des Variations Goldberg de Bach, des arrangements inédits du Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy et de Rhapsody in Blue de Gershwin, ainsi que certains segments de leur populaire Histoire de la musique, dans laquelle le comédien Eloi ArchamBaudoin incarne un personnage souvent hilarant, autour duquel s’articulent certains moments-clés.
Retournons quelques instants une dizaine d’années en arrière. Le trompettiste Sylvain Lapointe vient de terminer son baccalauréat. Il est inscrit à la maîtrise, mais décide de suspendre ses études pour lancer le projet un peu fou d’un quintette de cuivres qui mariera variété et musique sérieuse. Déjà, le numéro de quintette et humour auquel il a pris part lors de Cégeps en spectacle s’est rendu en finale nationale et a été repris sur les scènes extérieures du Festival Juste pour rire. Et si on pouvait consacrer sa vie professionnelle à ce genre hybride? « Dès le début, nous avons voulu maintenir de hauts standards musicaux, tout en restant accessibles », explique le directeur artistique de Buzz Cuivres en entrevue. Ne se sentant pas alors outillé pour rivaliser avec d’autres ensembles de musique de chambre, le quintette décide néanmoins de rejoindre le jeune public avec un spectacle alliant musique et théâtre. La Chasse-galerie, pour quintette et un comédien, sera présenté 21 fois lors de la première saison, 40 la deuxième, 80 la troisième. L’année dernière, les musiciens l’ont donné 159 fois et est maintenant reconnu tant Québec que dans l’Ouest canadien ou aux États-Unis. « C’est exceptionnel au niveau de la diffusion! »
Si le contact avec le jeune public reste un volet essentiel du développement de Buzz, le groupe souhaite au cours des prochaines saisons offrir une plus grande place au spectacle pour tous, avec notamment une version adaptée de son Histoire de la musique qui, grâce à décors et costumes, démystifie – et démythifie – un corpus parfois jugé à tort difficile d’accès. Cette nouvelle mouture a été rodée en Colombie-Britannique lors d’une tournée mémorable, pendant laquelle les musiciens ont avalé une quantité impressionnante de kilomètres, mais quand même pris le temps de skier à Whistler et de savourer la nourriture locale. « Nous nous connaissons et nous entendons bien », souligne Lapointe. En dix ans, un seul membre du groupe a d’ailleurs été remplacé (le corniste Pascal Lafrenière fait partie de Buzz depuis quatre ans déjà). « C’est comme un banc rock, mais de musique classique, avance le fondateur, seul à vivre l’expérience à temps plein. Je voulais avoir mes chums avec moi. Les autres sont restés par plaisir et par défi! »
Les défis restent nombreux et plusieurs n’ont rien à voir avec la maîtrise du répertoire, que l’on pense ici à la gestion du budget, aux demandes de subventions, à l’encadrement du conseil d’administration ou au suivi auprès des différents intervenants scéniques. (Si les cinq complices ont conçu eux-mêmes leurs premiers décors, ils ont depuis cédé la place à des professionnels.) Le groupe déborde de projets, dont certains – celui d’un prochain disque, par exemple – doivent être repoussés, faute de temps. Au cours de la prochaine saison, Buzz Cuivres présentera dans les divers arrondissements de la ville son projet articulé autour du Prélude à l’après-midi d’un faune (avec la harpiste Valérie Milot), Rhapsody in Blue (avec la pianiste Mariane Patenaude) et une relecture pour quintette de la célèbre Deuxième Rhapsodie hongroise de Liszt.
Rêvons un instant; dans dix ans, que sera Buzz Cuivres devenu? Sylvain Lapointe ne se cache pas porter une admiration inconditionnelle aux Canadian Brass, qui continuent de séduire un large public depuis maintenant 40 ans. « Nous aimerions que 75 à 80 % de nos concerts soient pour le grand public; voilà ce que nous visons comme notoriété et diffusion. »
28 février 2013 à 20 h, Salle de concert du Conservatoire de Musique de Montréal. Info et billets.
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