« Ça doit être ça, atteindre le fond. La douleur se vit dans l’épiphanie, quand une bêtise nous semble belle à l’extrême. » Je te parle tout seul est d’abord et avant tout le récit d’un deuil. Le narrateur qui, comme son auteur, n’a pas encore 20 ans, pleure son amant, d’une dizaine d’années son aîné, mort dans un accident d’auto dont il a été témoin impuissant. Le gouffre semble impossible à combler, alors que les autres attendent de lui un geste, un sourire, histoire de les rassurer sur leurs propres limites, sans doute. Peut-on réellement prendre conscience de l’ampleur d’un amour, même celui de notre meilleur ami? Peut-on oser mettre des mots sur l’effroyable, quand celui que l’on souhaite soutenir a accepté les bases d’une relation dominant-dominé, espérant peut-être en tirer une rédemption symbolique, après avoir été victime d’inceste?
Le premier roman de Jean-Samuel Nadeau se révèle touffu, sans doute même par moments un peu trop. L’exploration du deuil, de l’amour abusif ou de l’inceste aurait certes suffi à alimenter la centaine de pages. Pourtant, on s’attache à ce personnage qui ne sait pas s’il pourra continuer à vivre. Aimer trop, aimer mal, accepter l’omerta, la violence, avoir du mal à se définir, à avancer, sont autant de gestes que nous avons sans doute posés à un moment ou l’autre.
Une plume alerte, qui refuse la facilité, ainsi que des dons indéniables de dialoguiste nous poussent à tourner, d’un seul souffle ou presque, les pages de cette novella qui évoquent à mi-voix certains des malaises qui définissent notre époque. Voilà certes un parcours à surveiller. (Le jeune auteur rimouskois, qui étudie maintenant en littérature à Montréal, vient d’ailleurs de se lancer dans l’écriture et la réalisation de Gai comme fif, une websérie décalée qui souhaite déboulonner certains des clichés associés aux homosexuels.)
1 commentaire:
Il est bien noté ! Merci pour cette première participation !
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