Les liaisons dangereuses ont, au fil des ans, suscité plusieurs adaptations, tant romanesques que cinématographiques, mais Quartett,
la relecture d’Heiner Müller, demeure peut-être celle qui a su le mieux
aller au cœur même du roman épistolaire de Laclos. Même si l’auteur
allemand a admis n’avoir jamais lu entièrement l’ouvrage et qu’il l’a
plutôt apprivoisé à coups de méditations sur le sujet, il a su en
extraire l’essence même : les jeux de masques, l’amour qui devient champ
de bataille, l’implacabilité du passage du temps, indissociable de
l’inéluctabilité de la mort.
Florent Siaud offre ici une mise en scène qui pousse plus loin cette
réflexion, en noir et blanc, deux pôles à peine réchauffés par le rouge
rubis du vin dans les verres, les dorures sur un plastron sinon
translucide et le bois pâle du lit effondré, qui m’a tout de suite
rappelé le bateau d’un autre couple maudit, Tristan et Isolde. (Müller
détourne d’ailleurs à son profit une phrase de l’opéra de Wagner sur ce
sujet, « La mer s’étend, déserte et vide »; le parallèle ne s’avère sans
doute en rien fortuit.) Si la Marquise de Merteuil est habillée de
blanc et Valmont de noir, rien n’est aussi simple. En confiant le rôle
des amants maudits à deux femmes, le metteur en scène rend d’emblée
encore plus floue la ligne entre masculin et féminin. L’identité
sexuelle ne relève-t-elle pas de toute façon du masque? « Je crois que
je pourrais m’habituer à être une femme, Marquise », affirme d’ailleurs
Valmont en nous offrant la clé de la pièce. « Je voudrais le pouvoir »,
répond l’autre. Une pause. « Alors quoi? Continuons à jouer. »
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