« Kilométrage », texte qui ouvre le premier recueil d’« errances » de
Pierre-André Doucet, avait valu à son auteur le prix
Antonine-Maillet-Acadie Vie, volet jeunesse, en 2009; on comprend sans
peine l’enthousiasme du jury. Porté par un souffle réel, construisant et
déconstruisant la langue, entre français et chiac, ce voyage au pays
des racines se lit en effet à plusieurs niveaux. Une petite musique
s’insinue avec grande délicatesse dans cette collection de portraits
d’hommes (et de quelques femmes qui croisent leurs routes) qui cherchent
à se redéfinir, sachant pertinemment qu’ils ne ressentiront plus jamais
les choses de la même manière, que ce soit Ahmed, ne sachant plus
comment s’ancrer dans sa terre natale, Jean, qui doit apprendre à dire
adieu à son épouse, placée en résidence, ou ce soldat qui revient
d’Afghanistan, incapable d’oublier ce qu’il y a vécu. « Le soleil afghan est poussiéreux et fade. Une ampoule flétrie dans le grenier d’une demeure autrefois opulente. »
Le jeune auteur complète également son doctorat en piano (il est
d’ailleurs l’un des six demi-finalistes du prestigieux Concours national
Eckhardt-Gramatté début mai) et cet amour de la musique se décline dans
plusieurs de ses titres de sections : « Mess : Credo », « Images
I » et « Images II », en référence à Debussy, chaque sous-section
reprenant un des mouvements des triptyques, « Préludes pour voix seule,
opus posthume » ou encore « Arabesques et Estampes : carnet de voyage »,
autre référence à Debussy. Le choix ne s’avère aucunement gratuit,
Doucet appliquant, comme le compositeur français, couleurs et émotions
avec parcimonie, autant de touches qui ne prennent leur sens qu’une fois
mises en contexte. « Le jour où l’on commence à se rapprocher
davantage de la mort que de la naissance, je l’ai senti. Ce jour-là, le
soleil se couche à l’horizon, et pour la première fois, on craint qu’il
ne se relève pas. Son rituel prend une toute autre dimension, le cycle
journalier s’efface peu à peu. On vit d’heure en heure. Depuis, les
instants figés dans ma tête perdent leurs couleurs, ils deviennent des
taches asymétriques, détraquées. »
Quelle structure musicale inspirera son prochain ouvrage? Nous avons hâte de le découvrir.
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