Après la présentation en 2007 d’une version préliminaire qui s’était mérité plusieurs prix, Écume
est devenue pièce entière, parce que « l’histoire [lui] demandait ça »
explique l’auteure, à l’automne 2010 à La Nouvelle Scène à Ottawa, dans
une production saluée du Théâtre du Trillium. S’étant hissée cette
année-là au sommet du palmarès de la revue Voir, ce premier opus
de la dramaturge aurait pu alors continuer de vivre dans le souvenir des
heureux l’ayant vue. En devenant un objet littéraire à part entière,
elle peut maintenant rejoindre un autre public, qui saura se faire sa
propre mise en scène.
Histoire d’amour improbable entre Morgane, une jeune femme qui
pourrait bien se révéler être une sirène, et Émile, qui a besoin de
comprendre avant de ressentir, Écume se décline comme un hommage à
la mer (l’auteure a grandi dans un village côtier du Nouveau-Brunswick)
et aux mères. La pièce peut aussi être perçue comme une fable sur
l’importance de laisser souvenirs et rêves s’immiscer dans le réel, mais
surtout de poursuivre le dialogue. Morgane communique avec Simone,
enterrée depuis plusieurs années, personnage à part entière et non voix
hors champ. Elle espère saisir pourquoi sa mère est disparue, l’identité
de son père, d’où elle vient réellement, ce qu’elle pourra transmettre à
cette enfant qu’elle porte maintenant en son sein. Momo, croque-mort
aux dons particuliers, un être androgyne qui tantôt parle au féminin et à
d’autres moments au masculin, partage les messages que les morts
destinent aux vivants. Émile, quant à lui, se confie à son coach de vie,
aussi bien en anglais (qu’il souhaite apprendre de cette façon) qu’en
français, quand les émotions ne peuvent qu’être nommées dans sa langue
maternelle. « There is a big difference between a lie and a necessary
fiction. [...] J’aimerais ça, moi aussi, croire dans quelque chose qui
me dépasse, qui ne s’explique pas scientifiquement. » Au gré des
rencontres, des vagues, du bouillonnement de l’écume de leurs
sentiments, les personnages se redéfinissent constamment.
Alors que certaines pièces de théâtre ont besoin d’être vues et
entendues pour être entièrement apprivoisées, ce premier texte
d’Anne-Marie White se décline plutôt comme un conte pour tous qui ferait
la part belle aux dialogues et qui laisse toujours un espace essentiel
au témoin pour y superposer ses référents, ses souvenirs, ses doutes,
ses peurs, mais aussi ses espoirs.
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