Véritable pont érigé entre deux cultures qui s'expriment en français, le florilège propose de découvrir 40 poètes québécois et autant de français. Connaissons-nous la poésie d'ici? Celle de là-bas? Les Québécois sauront-ils nommer quatre ou cinq poètes français qui écrivent aujourd'hui? Troublant constat. Alors que, dans la première section, consacrée à la poésie québécoise, tous sauf deux ou trois noms m'étaient connus (je ne veux pas dire pour autant que je connaissais la poésie de tous les autres de façon intime), dans la deuxième section, eh bien, euh... j'avais eu vent de... trois noms! Pourtant, je bouquine régulièrement dans la section « poésie » de ma librairie indépendante préférée et j'avais adoré me balader il y a quelques années au Marché de la poésie à Paris (j'avais déjà ramené quelques titres dans mes valises)...
Un constat? Les auteurs ne manipulent pas leur langue commune de la même façon. Même s'il s'avère futile de tenter d'établir un dénominateur commun entre quarante voix poétiques, simplement parce qu'elles habitent un même territoire, il faut tout de même admettre que la poésie française reste plus proche des maîtres des 19e et 20e siècles, alors que la poésie québécoise semble chercher avant tout à s'en affranchir. Pas besoin d'une grande étude sociologique pour comprendre pourquoi...
Quelques coups de cœur à partager avec vous, peut-être, les poèmes en prose de Claudine Bertrand par exemple:
« Chaque jour j'écris des phrases avant que le désert reprenne du terrain. des mots traversent ma langue avant d'aller au sommeil, se jettent sur la page fougueuse. Ils me devancent, se passent de moi et se lassent... d'une main je tente de tracer péniblement des signes qui disparaissent aussitôt apparus. »ou encore la façon dont Nicole Brossard aborde le rôle du poète:
« de toute manière au-delà de l'inexplicable / tu traverseras le comment des verbes / la sensation recto verso de l'être / avec des habitudes et des métaphores / une vraie respiration »ou celle d'Anthony Phelps:
« Souvent je laisse flotter le poème / comme un enfant son bateau de papier / ou le porte à mon oreille / pour retrouver les chants lointains d'un certain lieu. / Que de cris / de confidences tronquées de projets déréglés. / Les mots s'envolent / s'habillent de couleurs chagrines / mais ta main rythme leur dessin / ramenant l'équilibre. »
Du côté français, j'ai beaucoup aimé le souffle et le rythme du poème Le temps d'aimer de Guy Allix, et les Poèmes lyriques de Didier Ayres, inspirés par des musiques, comme celui-ci, en écoutant des polonaises.
« Le poème est impossible / Car il porte la pluie / Et déjà dans la vareuse du printemps / Qui sonne la part obscure du feu / Comme le cercle / Et l'anneau de simplicité / Nous sommes conduits par le chariot de l'enfant / Et le vieux coutil de l'ouvrière. »
La musicienne en moi n'a pu que céder aux charmes de l'Oratorio no 2, trois mouvements de Gérard Pfister et du Bartók de Christophe Dauphin.
« Ton regard / Partition des comètes aux insignes de chiens / Ta colonne vertébrale / Violoncelle d'un horizon rattrapé par ses rides »Un livre que je ne rangerai pas trop loin, que j'ouvrirai au hasard, encore et encore...
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