L'histoire de cette rencontre entre chorégraphe et œuvre reste fascinante. En 2007, alors que le Philharmonique de Berlin le contacte pour qu'il élabore une pièce pour enfants (non danseurs) sur Ionisation de Varèse, il découvre également sur le DVD transmis par l'orchestre une interprétation du Sacre sous la direction de Simon Rattle. « C’est en regardant ce document que j’ai eu l’idée de faire
cette pièce-là, en me rendant compte que parfois le chef d’orchestre
n’avait pas les gestes auxquels je pouvais m’attendre, il me semblait
que les gestes n’avaient pas la fonction que moi je leur aurai
attribuée. Il faut dire que je n’ai pas d’éducation musicale et cela
conditionnait ma façon de regarder ce document et c’est ça qui m’a donné
envie de créer cette pièce », explique-t-il en entrevue.
Sans formation musicale, Le Roy aborde néanmoins l'étude de la partition avec un chef d'orchestre, histoire de mieux comprendre le matériau. (Comme introduction à la direction, on pourrait trouver pièce plus facile à déchiffrer, il faut l'admettre.) Il élabore ensuite un solo dans lequel il joue le rôle du chef d'orchestre, mais à d'autres moments se laisse porter par la musique, dans une chorégraphie qui requiert une endurance certaine. La scène est vide, la salle éclairée. Le tout s'amorce alors qu'il dirige de dos (comme si nous étions au concert). À un moment, il se retourne et le public devient orchestre, grâce à un astucieux dispositif imaginé par Peter Boehm, qui spatialise les différentes sections de l'orchestre. Ainsi, j'étais assise dans ce qui aurait été la section des cors français (impeccables au Philharmonique de Berlin, bien évidemment) et quand les percussions étaient sollicitées, je les percevais dans mon dos, les premiers violons dans les premières rangées, les flûtes un peu à l'avant-gauche, la clarinette basse à ma gauche. La musicienne en moi s'est donc révélée absolument ravie de se retrouver dans la pâte sonore même, de faire corps avec les autres sections, de comprendre la vision de Simon Rattle de l'intérieur.
Pourtant, en tant qu'objet chorégraphique, la performance ne m'a pas séduite. Bien sûr, même si à plusieurs moments, Le Roy marque les entrées (notamment, celles du picolo), à d'autres, il exagère volontairement certains gestes du chef, en déforme les intentions. Même s'il ne cherche pas à reproduire exactement la gestuelle de Rattle (si on le souhaite, on n'a qu'à visionner le DVD, après tout), son intégration du langage corporel du chef ne m'a que rarement convaincue, certains sautillements de boxeur et prouesses dignes d'un concours de air guitar me semblant franchement déplacés et inutiles. De la même façon, je n'ai pas compris pourquoi il a arrêté la pièce, pour la reprendre ensuite (comment peut-on considérer briser un fil narratif d'une telle linéarité?), pourquoi il a eu besoin de réintégrer cette grotesque gestuelle de l'implosion du son une seconde fois, mimique qu'il avait déjà reprise à trois reprises, ou pourquoi il a quitté à un moment la scène pendant que la musique continuait. Un clin d’œil au fait que le chef d'orchestre ne sert à rien? (Nous ne sommes pas ici dans une symphonie de Haydn, pourtant.)
La surspécialiste en moi a évidemment tiqué sur sa battue imprécise et sur le côté statique de certaines sections, comme s'il avait internalisé la musique de façon intellectuelle, mais n'avait pas entièrement accepté que celle-ci le traverse. N'empêche, pendant la nuit, j'ai ré-entendu des passages précis de la partition, je l'ai laissé s'immiscer en moi, ai ressenti certaines articulations dans ma chair. En m'éveillant, j'ai eu besoin d'entendre de nouveau le Sacre par le Philharmonique de Berlin et l'ai perçu autrement. Au final, ce rendez-vous n'aura pas été totalement manqué.
Pourtant, en tant qu'objet chorégraphique, la performance ne m'a pas séduite. Bien sûr, même si à plusieurs moments, Le Roy marque les entrées (notamment, celles du picolo), à d'autres, il exagère volontairement certains gestes du chef, en déforme les intentions. Même s'il ne cherche pas à reproduire exactement la gestuelle de Rattle (si on le souhaite, on n'a qu'à visionner le DVD, après tout), son intégration du langage corporel du chef ne m'a que rarement convaincue, certains sautillements de boxeur et prouesses dignes d'un concours de air guitar me semblant franchement déplacés et inutiles. De la même façon, je n'ai pas compris pourquoi il a arrêté la pièce, pour la reprendre ensuite (comment peut-on considérer briser un fil narratif d'une telle linéarité?), pourquoi il a eu besoin de réintégrer cette grotesque gestuelle de l'implosion du son une seconde fois, mimique qu'il avait déjà reprise à trois reprises, ou pourquoi il a quitté à un moment la scène pendant que la musique continuait. Un clin d’œil au fait que le chef d'orchestre ne sert à rien? (Nous ne sommes pas ici dans une symphonie de Haydn, pourtant.)
La surspécialiste en moi a évidemment tiqué sur sa battue imprécise et sur le côté statique de certaines sections, comme s'il avait internalisé la musique de façon intellectuelle, mais n'avait pas entièrement accepté que celle-ci le traverse. N'empêche, pendant la nuit, j'ai ré-entendu des passages précis de la partition, je l'ai laissé s'immiscer en moi, ai ressenti certaines articulations dans ma chair. En m'éveillant, j'ai eu besoin d'entendre de nouveau le Sacre par le Philharmonique de Berlin et l'ai perçu autrement. Au final, ce rendez-vous n'aura pas été totalement manqué.
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