mercredi 17 avril 2013

Le Café Maure

Entre conte oral et récit d’initiation, témoignage d’une époque révolue, celle de l’Algérie des années 1950, juste avant que ne se déclenche la Guerre d’Indépendance, Le Café Maure possède un parfum réel de nostalgie. L’auteur a su mêler avec une rare habilité la petite histoire à la grande, grâce à une galerie de personnages forts et une réelle maîtrise de l’image. « Une lumière ocre diffuse, traversait les persiennes calcinées par la poussière d’or du sirocco. Les rayons se posaient tendrement sur ces ombres chuchotantes. Vapeur parfumée. Odeur de menthe. Chaleur enivrante du café à l’eau de fleur. Le sifflement du vent fou à l’ombre des murs du Café Maure, peints à la chaux, figeait les lieux. »

Au fil des pages, le lecteur a presque l’impression d’être assis au milieu de ces hommes, dépossédés de leurs biens mais pas de leur dignité, qui discutent politique entre deux gorgées. Il vouera sans doute une tendresse réelle à Fekkir, jeune apprenti qui découvre le monde du travail en même temps qu’il s’initie à l’amour.  Malgré leurs idéologies divergentes, les clients du Café sauront s’unir pour célébrer le mariage de Fekkir,  transformant le tout en une journée que le jeune « roi des pauvres » ne pourra jamais oublier. Série de petits gestes, de paroles qui n’attendent que le chergui pour se disperser, mais qui pourtant se fichent dans le cœur de ceux qui les ont prononcées, nous rejoignent autrement, quelques décennies plus tard. Et si l’extrémisme que l’on reproche aujourd’hui à l’Algérie avait au fond pris naissance dans celui des « Roomis », des colons français?

Pour entrer dans le roman, il faut accepter de vivre à un autre rythme, laisser le sable se déposer entre chaque chapitre, brouiller les souvenirs. Pourtant, en habile homme de théâtre qu’il était, Mazouz OuldAbderrahmane, les trois derniers chapitres se bousculent, nous bousculent, nous rappelant peut-être que, côté drames, l’Histoire n’a rien à envier à la scène. On ne pourra que regretter que ce premier roman, complété en 1997, s’avère aussi le dernier de son auteur, décédé à l’automne dernier. Il faut souligner le travail impeccable de révision, ultime geste d’amour, réalisé par la veuve de l’artiste, Sylvie Melançon.


2 commentaires:

Anne a dit…

Je crois que tu t'es trompée de logo dans ton billet ;- J'aime la thématique de ce roman...

Lucie a dit…

Oups! Problème réglé!